La Baume Bonne et la préhistoire du Verdon

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Une grotte habitée pendant  400 000 ans

Visiteurs dans la grotteLes visiteurs qui découvrent la grotte de la Baume Bonne aujourd’hui se doutent-ils qu’ils se trouvent dans un lieu qui était déjà habité il y a 4000 siècles ? Les fouilles effectuées ont en effet révélé une occupation quasi continue depuis le paléolithique supérieur jusqu’au néolithique.

Pourquoi les hommes ont-ils choisi de vivre ici, dans cette grotte, plutôt qu’ailleurs ? C’est que la région a offert, à toutes les époques (c’est à dire les périodes froides comme les périodes tempérées), toutes les ressources nécessaires à la vie des populations.

En premier lieu, les ressources minérales pour la confection d’outils et d’armes nécessaires à la chasse : gisements de silex, calcaire siliceux, grès, quartz, quartzite, roches métamorphiques charriées depuis les Alpes par la Durance, roches roulées par le Verdon et ses affluents, poudingues du plateau de Valensole.

Technique de la pierre taillée

La région du Verdon a également fourni toutes les ressources végétales nécessaires pour se nourrir (car les hommes de cette lointaine époque se nourrissaient aussi de fruits et de baies sauvages et pas seulement des produits de la chasse) ou pour fabriquer, à l’aide du bois, des armes et des outils. Enfin, toute la région était riche d’une faune animale nombreuse et variée qui permettait aux hommes de pratiquer la chasse et la pêche.

MammouthLa faune et la flore ont, comme partout ailleurs, sans cesse varié au cours des temps préhistoriques selon que régnait un climat froid ou un climat tempéré mais l’homme a toujours su s’adapter aux nouvelles conditions de vie comme l’attestent les restes d’animaux et de végétaux retrouvés lors des fouilles.

N’oublions pas non plus l’importance de l’eau pour l’établissement d’une population humaine. Or, de l’eau, nos lointains ancêtres qui ont vécu dans la région du Verdon, n’en ont jamais manqué grâce précisément au Verdon mais aussi à ses affluents sans oublier la Durance qui coule non loin de là et dans laquelle se jette le Verdon ainsi que les cours d’eau qui traversent le plateau de Valensole (le Colostre, l’Auvestre).

Grotte de Baume BonneEnfin, il faut pouvoir s’abriter, se mettre à l’abri du froid et des intempéries, se défendre des animaux sauvages et même, plus tard, de nouvelles populations étrangères à la région au comportement souvent hostile. Or, la région du Verdon offre un vaste choix de grottes, avens, abris sous roches, falaise escarpées et promontoires rocheux faciles à défendre.

Les premiers habitants de la grotte

Si la grotte du Vallonnet à Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes) a révélé la présence de l’homme en Provence depuis un million d’années, c’est la grotte de Baume Bonne qui garde la trace du premier peuplement humain en Haute-Provence. Les préhistoriens donnent à ces lointains ancêtres le nom de homo erectus (ou homo ergaster ou mieux encore homo heidelbergensis qui est l’ancêtre des Européens).

Sur la trace de nos ancêtres

Les strates les plus anciennes de la Baume Bonne renferment des centaines de silex taillés. Ils remontent à la fin du paléolithique inférieur soit il y a 400 000 ans. Cette date est traditionnellement celle attribuée à la maîtrise du feu. Pourtant, rien n’indique que les hommes qui ont vécu dans cette grotte à cette époque connaissait son usage.

Stratigraphie de la Baume Bonne

Par contre, ces couches anciennes ont révélé une chose qui est la plus ancienne connue au monde : les premiers habitants de la Baume Bonne ont eu le souci d’aménager leur espace intérieur. On a découvert des surfaces empierrées qui ne peuvent avoir qu’une origine humaine. Les préhistoriens pensent que les habitants de la grotte ont voulu assainir au moyen de ce dallage de galets une zone humide et améliorer ainsi leur conditions de vie.

BifaceA cette époque, le technique de la taille des pierres est encore très archaïque. Peu à peu, la technique évolue, la taille se fait de plus en plus complexe et répond à des besoins plus spécifiques. L’outil caractéristique de homo erectus est le biface. C’est un outil en pierre de grande dimension (20 cm), dont l’usage ne nous est pas connu mais on peut penser qu’il s’agissait d’un outil polyvalent avec lequel on pouvait couper, racler, écraser, etc. Il est aménagé des deux côtés (d’où son nom) et prouve que l’homme de cette époque reculée avait déjà la notion de symétrie.

En Provence, les premiers bifaces sont apparus il y a 400 000 ans dans le site de Terra Amata à Nice. Dans la Baume Bonne, on en a trouvé 80 ce qui en fait un site important pour l’étude du paléolithique inférieur et moyen.

Technique LevalloisIl y a 300 000 ans, les hommes qui vivaient dans la Baume Bonne ont mis au point une technique nouvelle que les préhistoriens nomment la culture Levallois : elle se caractérise par l’élaboration d’un plan préliminaire à la taille de la pierre. L’homme qui taille la pierre selon cette technique sait à l’avance les gestes qu’il devra faire et les éclats qu’il va produire en fonction de l’usage qu’il en fera. Les outils obtenus sont minces et allongés, tranchants sur tout leur pourtour.

Les trois espèces animales les plus chassées à cette époque sont le bouquetin, le cheval sauvage, le bison. Mais on a trouvé aussi des restes ayant appartenu à des loups, lions, panthère, chamois, chèvre sauvage, marmotte, castor, cerf, chevreuil.

Usage du feuA la même époque, apparaissent dans la grotte de Baume Bonne les plus anciennes traces de l’usage du feu : silex et os brûlés, présences de charbons de bois, de cendres. L’usage du feu a révolutionné les modes de vie de l’homme. Grâce à lui, il peut maintenant se chauffer, s’éclairer, cuire ses aliments, éloigner les bêtes sauvages, durcir les pointes de ces armes. L’usage du feu a également un impact important sur la vie sociale car il permet de se regrouper. Il est à l’origine des mythes et des légendes fondatrices des religions.

Enfin, l’homme a dû s’adapter pendant des  milliers d’années à une variation importante du climat passant successivement d’une période chaude ou tempérée à une période froide. La faune et la flore s’en trouvaient transformées, les paysages et les ressources naturelles aussi.

L’homme de Néandertal

L'homme de NéandertalIl y a 120 000 ans, homo heidelbergensis évolue peu à peu vers homo neandertalensis. Pendant près de 80 000 ans l’homme de Néandertal est le seul habitant de l’Europe occidentale. Il est plus robuste, plus trapu que l’homme moderne. Il est très certainement d’une intelligence comparable mais différente car l’homme de Néandertal présente un crâne d’un volume à peu près équivalent mais avec un développement occipital (vers l’arrière) alors que le crâne de l’homme moderne se caractérise par un développement frontal. L’homme de Néandertal présentait aussi de fortes arcades sourcilières contrairement à l’homme moderne.

L'homme de NéandertalLa Baume Bonne a révélé la présence indéniable de l’homme de Néandertal avec de très nombreux outils en silex. Il pratiquait la culture moustérienne (pointe de flèche en silex) à laquelle appartient la culture Levallois. Aux espèces animales traditionnellement chassées, s’ajoute maintenant l’ours des cavernes dont les restes trouvés dans la Baume Bonne sont les seuls connus aujourd’hui dans la région du Verdon alors qu’ils abondent ailleurs.

On doit aussi à l’homme de Néandertal les premières sépultures et les premiers rites attachés à la mort du défunt ce qui indique la naissance d’un sentiment religieux.

L’homme moderne

L’homme moderne ou homo sapiens serait apparu en Afrique il y a 100 000 ans. Au Moyen-Orient et jusqu’en Europe centrale, il cohabite pendant plusieurs dizaines de milliers d’années avec l’homme de Néandertal. Vers – 35 000 ans, l’homme de Néandertal disparaît brusquement. On en retrouve plus aucune trace sans que l’on puisse expliquer les causes de cette disparition.

Invention de l'artEn Europe occidentale, homo sapiens est plus connu sous le nom de homme de Cro-Magnon. Sa technique de taille de la pierre évolue (fabrication de lames) mais il utilise aussi les os et les « bois » des animaux (rennes). L’invention la plus importante et qui caractérise véritablement la présence de l’homme moderne en Europe est l’invention de l’art qui apparaît vers -35000 ans.

Invention de l'artLa Baume Bonne est le seul site à posséder des preuves de la présence de l’homme de Cro-Magnon en Haute-Provence. Les différentes cultures paléolithiques que l’on peut observer ailleurs (par exemple en Dordogne) n’apparaissent pas toutes en Provence et on trouve parfois à leur place des cultures spécifiques locales. Ainsi, si l’Aurignacien et le Gravettien apparaissent normalement, celui-ci évolue en Epigravettien et le Solutréen est remplacé par l’Arénien. Ces deux cultures sont présentes à la Baume Bonne avec des nombreuses lames et outils en silex.

Reconstitution au Musée de Quinson

Le Néolithique

L’homme de Cro-Magnon a vécu pendant la dernière glaciation et le climat qui existait en Haute-Provence devait être comparable à celui de la Sibérie actuelle. Mais, il y a 10 000 ans, le climat se réchauffe, les glaciers régressent, le niveau de la mer remonte, la faune habituée au grand froid migre vers le nord. Des espèces animales incapables de s’adapter disparaissent (mammouth, rhinocéros laineux, lion des cavernes) d’autres apparaissent.

Technique de la pierre polieCe changement du milieu entraine une profonde transformation du mode de vie des hommes. A la chasse succède l’élevage, à la cueillette l’agriculture. L’homme domestique certaines espèces animales (mouton, boeuf, chèvre, cochon), et végétales (blé, orge). De nouvelles techniques apparaissent : la poterie, le tissage mais, surtout, la pierre polie remplace la pierre taillée.

L’habitat se transforme : on édifie des huttes dans les vallées ainsi se constituent les premiers villages. L’art se développe, les premières mythologies apparaissent. L’organisation sociale est de plus en plus complexe. L’homme entre peu à peu dans la  « civilisation ».

CardiumLa Haute-Provence est « néolithisée » vers 5800 ans avant JC. La culture néolithique la plus ancienne est appelée « civilisation cardiale ». Elle est caractérisée par une céramique à fond rond décorée avant cuisson par une série de stries obtenue par impression d’une coquille d’un mollusque marin appelé cardium en latin (coque en français). C’est à cette culture que l’on doit, en Provence, l’élevage de la chèvre et du mouton, la culture du blé et de l’orge.

Céramique chasséenneL’économie est agro-pastorale mais la chasse n’a pas encore tout à fait disparu pour autant et la Baume Bonne a encore révélé dans les couches de cette époque une importante quantité de restes de bouquetin, cerf, sanglier, castor. Cette civilisation durera près de 2000 ans de 6000 à 4000 ans avant JC. A cette date, apparaît une nouvelle civilisation : le Chasséen. Elle se caractérise par une céramique de grande qualité avec des formes très variées.

Le  développement de l’agriculture entraine le déboisement de grandes surfaces autrefois couvertes de forêts. De nouvelles espèces d’animaux sont domestiquées comme le porc, on file la laine, on produit des fromages. L’industrie se développe : lames de silex, pointes de flèches, faucilles, objets en os.

Dans la galerie des soleilsC’est aussi l’époque des premiers monuments mégalithiques. Si dolmens et menhirs sont nombreux dans le Var, ils sont plus rares dans la région du Verdon et l’on ne peut guère citer que le dolmen de Saint-Laurent-du-Verdon. L’art devient moins figuratif et plus abstrait comme ces soleils découverts dans une grotte de Beaudinard et reproduits dans la galerie des soleils au Musée de Quinson.

L’âge des Métaux

Armes de l'Age du BronzeAlors que l’invention de l’écriture permet à certaines régions d’entrer dans l’histoire (Egypte, Mésopotamie), à la même époque, vers 2500 ans avant JC, la Provence est encore au néolithique. Et lorsqu’une nouvelle révolution apparaît vers 3500 ans avant JC au Proche-Orient : l’âge du Bronze grâce à la maîtrise de la métallurgie, celle-ci n’apparaît en Provence que vers -2000.

Parure de l'Age du BronzeStèle anthropomorpheCette époque voit le développement du commerce (ambre de la Baltique, étain) mais aussi l’apparition de la guerre avec la fabrication d’armes, de casques et d’armures. Les sociétés deviennent de plus en plus hiérarchisées et les populations se livrent parfois des combats pour défendre leur territoire ou en conquérir de nouveaux. Les peuples organisent leur défense et vivent (temporairement parfois) dans des habitats perchés et fortifiés : les oppidums, très nombreux dans toute la Provence. Les mythologies anciennes se développent et donnent naissance à de véritables religions vouées au culte du feu, du taureau ou du soleil comme l’attestent les extraordinaires gravures de la Vallée des Merveilles au nord de Nice.

Parure de l'Age du Bronze

Vestiges d'oppidumA l’âge du Bronze, succède l’âge du Fer qui fera entrer peu à peu la Provence dans l’histoire : c’est l’époque de la conquête romaine qui donne lieu à de nombreux combats entre les nouveaux conquérants et les populations autochtones dites ligures retranchées dans leurs oppidums. On considère généralement la chute d’Entremont, la capitale des Salyens, au nord d’Aix-en-Provence, en 123 avant JC, comme l’événement qui marque la fin définitive de la préhistoire en Provence.

Ouvrages utilisés pour la rédaction de cet article :

Préhistoire du Verdon, Jean Gagnepain, Edisud, 2002

La Baume Bonne : 400 000 ans de la vie des hommes, Jean Gagnepain, Verdon n° 1, Pays et Gens du Verdon, 1999

Les grandes découvertes en préhistoire dans la région PACA, Xavier Delestre, Jacques Buisson-Catil, Edisud, 2006

Bibliographie :

Histoire des Gorges du Verdon jusqu’à la Révolution, Jacques Cru, Edisud, 2001

Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon, aux racines du savoir : le catalogue, Conseil Général des Alpes de Haute-Provence, Digne, 2001

Quinson sur Verdon, Découverte d’un village en Haute-Provence, François Warin, Les Alpes de Lumière, 2002

Les premiers paysans du Midi, Jean Courtin, La Maison des Roches, 2000

Atlas préhistorique du Midi méditerranéen, feuille de Draguignan, André d’Anna, Editions du CNRS, 1980

Mémoires millénaires, guide des sites préhistoriques en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Frédéric Boyer, Mémoires Millénaires Editions, 2008

Contenu de l’ouvrage sur le site Prehistoirepaca.

Sur internet :

La Baume Bonne sur le site de l’Association Départementale de Tourisme.

Musée de Préhistoire de Quinson.

Visite virtuelle de la Baume Bonne.

La Baume Bonne sur le site Préhistoirepaca.com.

La Baume Bonne sur la Banque d’images de Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Historique des fouilles sur le site du Cefeg (Centre de formation à l’enseignement de la géologie).

Comment vivaient nos ancêtres ? (Prehistoirepaca.com)

Pour tout savoir sur la préhistoire et l’évolution de l’homme : Hominidés.com.

©copyright randomania.fr

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Une réflexion sur « La Baume Bonne et la préhistoire du Verdon »

  1. Quel remarquable travail !
    Bravo pour la limpidité et la précision du texte.
    Merci pour tous ces liens, qui nous conduisent à en apprendre encore plus…

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