Bastide de Romegas et ses jardins remarquables

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Cette note est une synthèse historique de la Bastide de Romégas à Aix-en-Provence-Puyricard, dont les jardins sont classés « jardin remarquable » et sont ouverts au public. Jardin Romegas Provence

Sommaire

  1. Qu’est-ce qu’une bastide ?
  2. Les propriétaires
  3. La tèse
  4. Les mines d’eau

*** Diaporama musical dans les jardins ***

Les jardins de la bastide de Romegas, une belle découverte dans la campagne aixoise. C’est Marie-Ange Rater-Carbonel, propriétaire et déléguée régionale de l’association des Vieilles Maisons Françaises1, qui en organise la visite. Les jardins de Romegas.
Pour les éléments historiques et paysagers, lire l’excellent travail  : La bastide de Romegas : une histoire ancienne renouvelée, 1564-1945, Dominique Pinon, 2013
1 – Qu’est-ce qu’une bastide ?

A Marseille, comme en Provence, ce terme désigne à la fois un domaine agricole et un lieu de villégiature, [qui a] marqué les esprits par l’art de vivre qui s’y est développé, une maison de plaisance à la campagne, souvent à l’usage des citadins.

La bastide offre effectivement à ses propriétaires, […] une variété de loisirs et plaisirs : lieu de villégiature où la famille, élargie aux amis, se retrouve pour profiter d’un dimanche à la campagne, avec promenade sous les ombrages, jeu de boules ou de croquet, baignade dans le bassin, partie de chasse dont on déguste ensuite le produit, accompagné des légumes et fruits produits sur le domaine.  Exposition L’art de vivre à la bastide, Marseille, archives communales

2 – Les propriétaires XVIe-XXe
  • 1 – Le premier propriétaire connu, Michel Rouilhe
    Il est maître tailleur d’habits ; le mot ‘maître’ est important car seuls les marchands maîtres tailleurs avaient le droit de faire et vendre toutes sortes d’habits et accoutrements, et d’embaucher des apprentis. Ce qui explique qu’il a pu acquérir plusieurs terres de vignes au lieu-dit « Pierre Plantade » ; quelle est cette pierre plantée ? une borne romaine, un menhir ? selon moi tout simplement une borne-limite plantée dans les champs pour délimiter le territoire de Puyricard (Perricard) et celui d’Aix ; avant qu’il y ait une habitation sur le domaine, la borne devait être visible de loin !

    La première habitation date de 1604. Il songe déjà à en faire une bastide en 1625 mais, endetté, il vend son bien à des parlementaires, la famille Dupont. En 1640, la bastide est saisie.

  • 2 – Honoré Vigne et Noël Martin
    Deux maîtres artisans, Honoré Vigne, maître broquier3 et son gendre Noël Martin, maître cordonnier,achètent le domaine le 9 juillet 1640 dont l’habitation est en bien mauvais état. Sur trois côtés, ses voisins cultivent la vigne également. Il est confié par contrat à un méger2 un fermier qui entretient le domaine et partage – par moitié selon l’origine du terme mais ce n’est pas tout à fait ça quand on lit un contrat… – avec le propriétaire de la ferme les produits de la récolte. Noël Martin achète une boutique à Aix et une cave pour le vin dans une dépendance de l’hôtel de Coriolis. Le fils de Martin, Honoré Martin fait de nouvelles acquisitions de terres.

    Un incessant conflit entre les deux communautés Aix et Perricard aboutit à un nouveau bornage (1668). C’est important pour l’impôt de savoir si la bastide est sur Puyricard ou Aix. Des termes sont placés : un contre le mur de clôture de la propriété le long du chemin de Banon (aujourd’hui chemin de Saint-Donat), deux autres près de la bastide. Il en reste une identifiable par la description faite dans le rapport du 22/09/1668 dont j’ai respecté la présentation et l’orthographe de l’époque extrait du document de D. Pinon :

    […] sur lequel sept[ièm]e
    Borne y a esté gravé deux lignes formant un
    Angle aygus et ouvert de huitante quatre
    Degrés quinze minutes ayant son ouverture du
    Costé du levant […]
    Ce quy est du septentrion desd terres du terroir de
    Perricard et quy est du midy terroir d’Aix

    Toutes les précédentes acquisitions sont donc étudiées au vu de ces nouvelles bornes. Tout ce qui est au nord de la bastide, terme de « bastide » employé pour la première fois dans un acte, dépend de Puyricard et donc de l’archevêché d’Aix qui réclame aussitôt le paiement d’un impôt annuel. Mais au sud de la bastide, le domaine est franc de cens.

  • 3 – François Martin
    François Martin, légataire universel de la bastide et futur greffier garde-sacs4, commence une nouvelle page : il effectue des réparations sur la couverture et fait poser la génoise vers 1696. Le méger vit sur place, le propriétaire y séjourne de temps en temps. Sa fille Anne-Rose Martin, mariée à Nicolas Romégas, hérite de la bastide.
  • 4 – Nicolas de Romegas (°16/05/1692, x 03/02/1724, +15/4/1760)

    Nicolas Romegas issu d’une vieille famille de la noblesse, ne porte pas la particule ; il connaît la famille Martin pour l’avoir aidée dans une affaire en tant qu’avocat. Il fait plusieurs acquisitions de terres. C’est lui qui a donné son nom au domaine.
    Par le bail à mègerie signé en 1757, on sait qu’il y a vignes, céréales et fruitiers (amandiers). Le propriétaire se réserve la maison, le colombier et l’engrais : les fientes des pigeons fournissaient des engrais de bonne qualité pour les cultures, les fruitiers devant la chapelle, les feuilles de mûriers pour le ver à soie. Il y a une machine pour remonter l’eau jusqu’à un vivier. Dans le bail, sera obligé ledit méger de ramener à la bastide le prêtre les dimanches et jours de fête pour la messe, à l’aide d’une chaise.

    Utilitaire, certes, la chaise à porteurs est surtout un marqueur social. Si elle permet de se déplacer à l’abri des intempéries et sans crotter ses chaussures sur le pavé des rues, par la somptuosité de son décor elle est avant tout, comme les voitures, un moyen de paraître, d’être remarqué et de faire étalage de sa fortune et de son rang social. Extrait du site attelages patrimoine

    A sa mort, son fils aîné hérite du domaine.

  • 5 – Joseph François de Romegas (°1734, x 08/01/1761, + 11 mai 1797 Venise)
    Il est lieutenant général à la sénéchaussée d’Aix ; la bastide prend le nom de Romega comme en témoigne la carte de Cassini (1778).

    Le sénéchal est un officier royal qui, sous l’Ancien Régime, exerçait des fonctions d’administration et de justice ; ce terme, employé dans le sud équivaut à celui de bailli dans le nord.
    Troisième bornage en 1782 : les termes sont repositionnés dont deux à l’est de la bastide, les 6e et 7e  distants de 107m (mesure de l’époque 54 cannes).

    Avec les troubles révolutionnaires, il ne fait pas bon être officier royal : Joseph François émigre en Italie. Sa femme, par un acte de notoriété5, fait établir que son mari a quitté le territoire. Les biens sont saisis, sous-évalués comme souvent pour les biens nationaux, découpés en lots. Avec les confronts, figurent le nom des autres propriétaires jouxtant le domaine ; les citoyens modestes sont plus connus par leur surnom que par leur nom : Jean-Baptiste dit Lou Tourren, Joseph dit Loulambourinaise. Mais d’autres noms demeurent dans l’histoire au travers des noms d’aujourd’hui : Philip à l’est (la Philippine), Buisson (la Buissonne, propriété de Buisson), Joseph Bossy (Bossy).

    On y apprend qu’à l’étage les chambres et cabinets étaient recouverts de moellons d’Auriol, carreaux de forme hexagonale formés avec une argile fine rouge très répandus en basse Provence. Traité des roches considérées au point de vue de leur origine, de leur composition, de leur gisement et de leurs applications à la géologie et l’industrie, Henri Coquand, Paris ou Besançon, 1857. il y a un grand puits à machine qui servait pour arroser, c’est à dire une noria, pouso-raco en provençal, manœuvrée par un animal qui logeait dans un petit bâtiment face à la chapelle.
    En 1802, l’émigré François Nicolas est amnistié.

  • 6 – Jean Alexis Mignet (°1752, +1821)
    Jean Alexis Mignet, maître-serrurier, épouse Catherine Nègre. Les deux filles Mignet, Madeleine et Cécile, sont mariées à deux frères Michel, Etienne et Honoré Valentin. Il acquiert le domaine par adjudication en 1795. Peu après sa mort, en 1824,  un rapport d’experts inventorie et estime ses biens en vue du partage entre les tous les co-héritiers.
  • 7 – Les frères Michel (1825, 1860)
    Etienne (°1784, +1860), méger de Romegas, et Honoré  Valentin Michel (°1792, +1878) rachètent le domaine par adjudication en 1825, date de la pose du cadran solaire. En 1826, ils versent aux petites-filles Mignet leur part d’héritage.
  • 8 – Etienne François Xavier Michel
    Il hérite seul du domaine. Il a épousé une des sœurs de François Mignet, Madeleine.
    François Auguste Mignet (°08/05/1796, + 24/03/1884), le fils d’Alexis Mignet, historien et ami de Thiers, n’est donc pas propriétaire de la bastide mais aura le droit d’en jouir conformément au testament d’Etienne. C’est à la bastide, à l’été 1823, que Mignet a écrit en quatre mois son Histoire de la révolution encensé par le directeur de publication du journal Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire, Gustave Chadeuil, Paris, 1885-11-08.
    François Louis Michel (°1834, +1896), et Evariste Hilarion Michel (°1837, +1924), ses neveux, seront les légataires universels de François Mignet.
  • 9 – François Michel (°1833, +1896)
    Fils d’Etienne ; il reçoit en héritage la part de son frère Auguste en 1860 et devient donc l’unique propriétaire ; son oncle, François Auguste Mignet garde non seulement le droit de jouir de Romegas mais y finance de nombreux travaux.
  • 10 – Jeanne Michel (°1869, +1941)
    Fille de François Michel, épouse Alfred Jauffret
  • 11 – Françoise Jauffret (°1899, +1989)
    Fille du couple précédent, épouse Evariste René Carbonel (°1897, °1989).
  • 12 – Marie-Ange Rater-Carbonel
    Fille du couple précédent, elle est donc l’arrière-petite-fille de la sœur de François Auguste Mignet, notre historien aixois.

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Confidences : les traces d’un flash légendaire entre Antoine De Saint-Exupéry et Sylvia Hamilton

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QUELQUES ECHANGES ÉPISTOLAIRES et 11 JOLIS DESSINS

Sources : Bibliorare

Lettres

1 – Lettre inédite d’Antoine de Saint-Exupéry à Silvia Hamilton, datée et signée New York, 29 avril 1942, lui annonçant son départ pour le Canada où, à l’invitation de son éditeur montréalais, Bernard Valiquette, il doit animer des conférences en lien avec la publication de Pilote de guerre :

 Je ne parviens pas à vous joindre par téléphone ! Je suis brusquement obligé de prendre l’avion pour le Canada où je dois passer quarante huit heures. J’aurais voulu vous revoir ce matin, dès que je l’ai su. […]
La vie est vraiment bien compliquée et je suis très en colère contre elle.

D’autres complications attendaient pourtant Saint-Exupéry puisqu’il dut attendre plusieurs semaines la régularisation de son visa avant de regagner New York.

2 – Antoine est bloqué au Canada en 1942, il envoie une lettre à Sylvia

Chère Sylvia,
Je me suis retrouvé bloqué dans ce pays dont je croyais revenir en quarante-huit heures, les amis qui m’avaient fait venir et en qui j’avais toute confiance se sont trompés dans les problèmes de passeports et de visas et voilà plus de quinze jours que j’attends d’heure en heure l’autorisation de rentrer. Ce séjour en face du téléphone et le nez contre la frontière est un véritable supplice chinois. Je suis très désespéré. Il m’est impossible de te téléphoner. Notre langue étrangère compliquerait encore les choses. [Antoine ne parle pas anglais, il échange oralement avec Silvia en mauvais allemand] Tout est déjà bien assez difficile ! On m’a juré que les formalités seraient terminées d’ici trois ou quatre jours. Je t’appellerai dès que j’aurai abordé la terre de la délivrance. Pardonne-moi mon silence : je n’ai pas le cœur à écrire. Ni le courage. Je suis tout à fait malade de subir tant d’absurdes ennuis.
Crois-en ma profonde amitié.
Antoine de Saint-Exupéry


3 – Belle lettre inédite d’Antoine de Saint-Exupéry à Sylvia Hamilton, lettre signée et datée, New York, 23 septembre 1942 ; tâche brune à l’angle inférieur gauche. D’une grande douceur nostalgique :

J’ai vécu une journée infiniment embrouillée. Et difficile. J’avais cependant tellement besoin de silence et de paix pour prolonger en moi cette soirée d’hier qui a été comme un lac merveilleux, mais je ne sais pas très bien vivre. Le lac s’est changé en torrent. J’ai retrouvé tous les éboulis et toutes les pierres.
Cependant j’étais plein de joie et j’avais besoin de me recueillir. J’attends le silence du soir. Je me sens si reconnaissant et cela est si doux.


4 – Autre, et très émouvante, longue lettre d’Antoine de Saint-Exupéry à Sylvia Hamilton, New York, 1942 ?, en grande majorité inédite.

Suite à une incompréhension mutuelle et à un déjeuner manqué, une brouille s’est installée entre les deux amis et le poète, tout en s’interrogeant sur ses torts et en les reconnaissant, en vient à confesser à la fois sa profonde mélancolie et la volonté d’action qui le ronge, une volonté qu’il exprime magnifiquement en quelques mots à la fin de sa lettre…

Tout cela est bien tendu et pénible. Si cela peut t’être agréable je veux bien te faire toutes mes excuses pour mon erreur de ce matin. J’en suis triste non tant à cause de l’erreur qui me paraît bien excusable qu’à cause du climat qu’elle a créé. J’accepte d’ailleurs d’admettre, si tu le désires, qu’elle est inexcusable. […]
Maintenant, certes, j’avoue avoir beaucoup de torts. Je suis nerveux, préoccupé et irritable. Je ne suis un repos pour personne. J’ai de plus un travail fou et un état intérieur qui me le rend prodigieusement difficile. Je ne dis pas ça pour être plaint. Ni même pour être excusé. Je dis ça par fatigue. Certaines confidences ne sont que lâchetés de la fatigue. C’est pourquoi aussi je prends tous les torts. De toute façon, quoi que je fasse, j’aurai des torts. Mon premier tort est de vivre à New York quand les miens sont en guerre et meurent. Même si je suis injuste, même si je suis irritable, même si je suis distrait, cela ne peut guère aggraver des remords qui sont déjà tellement lourds et jouent sur ma foi essentielle.
Pourquoi ne me laisse-t-on pas, à bord d’un avion de guerre, vivre une vie pure ?


5 – Ravissante lettre inédite d’Antoine de Saint-Exupéry à Sylvia Hamilton dans laquelle il évoque ses dessins, New York, 1942-1943 ? Tâches brunes dans les marges supérieure et inférieure.

Chère Sylvia, je suis mélancolique alors j’ai dessiné de petits dessins mélancoliques. […]
Pardonne-moi d’être insupportable. Pardonne-moi de te peiner. Pardonne-moi d’être silencieux. Pardonne-moi d’être comme je suis. Ça ne m’empêche pas d’être bien tendre et de t’embrasser si fort.

Provenance de ces lettres :
Silvia Hamilton-Reinhardt, vente à Paris, le 20 mai 1976, n° 50, resté depuis dans la même collection.

Dessins

New York, été-automne 1942 : 11 dessins originaux donnés à Silvia HAMILTON


Descriptifs :
Exceptionnelle suite de 11 dessins originaux d’Antoine de Saint-Exupéry, constituant indéniablement une première ébauche de l’illustration du Petit Prince.
Dessins : aquarelles, pastels, plumes et crayons, p. 321 et sur la contre-garde et la garde finales ; quelques légères brunissures. Deux taches brunes angulaires plus marquées. Papier légèrement froncé avec pli central un peu marqué.
Tous ces dessins, tracés sur des feuilles de papier pelure Esleeck Fidelity Onion Skin, sont légendés par Saint-Exupéry et neuf d’entre eux sont numérotés.

De gauche à droite et de haut en bas :

0 – Ça c’est avant la vie  : le Petit Prince, portant un nœud papillon, sur un astéroïde au sol desséché au milieu des étoiles et face à un soleil irradiant ; il tient dans la main droite une ficelle retenant un ballon gonflé ;
I  – Ça c’est les premiers pas dans la vie  : le Petit Prince, portant un nœud papillon, debout dans l’herbe face à un château aux tours crénelées ; il a à sa droite une fleur à longue tige ;
IIbis – Ça c’est la douceur des premières illusions  : le Petit Prince, portant une écharpe, flânant sur un sentier passant entre deux champs fleuris, sur fond de collines sous un soleil irradiant et des nuages ;

III – Ça c’est les premières difficultés dans la vie  : un personnage à cheveux longs, portant un nœud papillon et un pardessus, seul au milieu d’un paysage de montagnes acérées, sous un croissant de lune, et disant : J’ai dû me perdre. Je ne retrouve plus mon lit ! ;
IIIbis – Ça c’est les premiers projets d’avenir : le Petit Prince, portant une écharpe, perché sur un sommet pointu dans un paysage de montagnes, avec au fond un soleil irradiant, disparaissant à l’horizon ;
IV – Ça c’est les déceptions dans la vie  : un personnage portant un nœud papillon, seul au milieu d’un paysage désertique contemplant des cactus, des pierres et des os, avec au fond un soleil irradiant, disparaissant à l’horizon ; rehauts de crayon noir ;
V – Ça c’est la vie (très résumée) : le Petit Prince seul au milieu de montagnes pointues, sous un croissant de lune, avec à ses pieds un précipice d’où jaillit la gueule dentée d’un gros reptile ; une flèche désigne le Petit Prince avec la mention Ça c’est moi ; le chiffre V remplace le chiffre IV biffé ;

Vbis – La vie aussi : scène analogue à la précédente, le Petit Prince sortant d’une faille au bord d’un précipice, sans le reptile ;
VI – Ça c’est la sagesse : un personnage au visage un peu grotesque, attablé devant un verre, au milieu d’un parterre de fleurs, avec dans le fond, à gauche, un sommet pointu et un soleil irradiant ;
Ça c’est quelqu’un qui boude : un personnage portant une écharpe, le visage renfrogné, adossé à un sommet pointu face à un paysage de montagnes avec au fond un soleil irradiant ;
Personne… j’ai dû me tromper de rendez-vous ! : un personnage en habit populaire, perché sur un sommet pointu, dans un paysage de montagnes ; derrière lui, un petit personnage rappelant le Petit Prince lui-même perché sur un pic rocheux, semblant faire de grands signes au personnage principal.

On trouve entre ces dessins et l’illustration définitive du conte, des similitudes vestimentaires (nœud papillon, écharpe, etc.) et dans la gestuelle et les attitudes du Petit Prince, des ressemblances frappantes dans les paysages (montagnes acérées, dunes, étoiles, soleils irradiants, fleurs, etc.) et plusieurs correspondances remarquables, par exemple :

  • le dessin 0 très proche de l’illustration de la p. 15 de l’édition originale ;
    le personnage ayant perdu son lit évoquant l’allumeur de réverbères ;
  • le dessin IIIbis très proche de l’illustration de la p. 63, tout comme le IV de celle de la p. 55 avec l’os et le cactus ;
  • la composition du dessin V correspondant à celle de l’illustration de la p. 83 qui représente le Petit Prince coincé en haut d’un mur au pied duquel se dresse un serpent ;
  • le buveur du dessin VI et celui du conte étrangement similaires, par leur physique, leur habillement et leur attitude ; etc.

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ANTOINE DE SAINT-EXUPERY : double déchirement dans une lettre intime, dure et tendre, doublement amoureuse

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Admirable lettre de désarroi envoyée par Antoine De Saint-EXUPERY à SILVIA HAMILTON-REINHARDT ; le courrier ne comporte pas de date mais les faits qu’il rapporte sont datables : New York (mars ou Avril 1943)
Note : cette datation est permise via la lecture du site exceptionnel Biographie de CONSUELLO avec d’admirables photos prises par MAN RAY ; propriété du site (tous droits réservés) : martinezfructuoso@consuelo-de-saint-exupery.com
© Succession Consuelo de Saint-Exupéry. Tous les éléments de ce site dédié à Consuelo de Saint-Exupéry ne peuvent pas être utilisés, reproduits ou exploités sans l’autorisation écrite de la Succession Consuelo de Saint Exupéry.

Revenons au contenu de la lettre envoyée par Antoine à Sylvia dans de terribles moments… la fin de leur idylle est proche :

Sylvia

il s’est passé avant-hier quelque chose d’affreux. Ma femme s’est fait attaquer dans la rue en rentrant chez elle. Pour lui voler son sac on l’a assom[m]ée d’un coup sur la tête. Je l’ai retrouvée très malade et depuis quarante huit heures je n’ai pas bougé d’auprès de son lit. Ce ne sera sans doute pas très grave. Cependant je meurs d’inquiétude. Je ne puis ni dormir ni manger. Je me déchire au-delà de toute mesure. Je n’en puis plus. Je vais te dire Sylvia quelque chose qui te fera mal […] :
J’ai compris que si ma femme avait été tuée je n’aurais plus pu vivre. J’ai compris la profondeur de ma tendresse pour elle. Vois-tu Sylvia on se connaît mal. Les petits froissements de la vie quotidienne, les disputes sans importance, les rancunes de surface empêchent de lire clairement en soi les sentiments forts. Mais ce matin, t’écrivant de ma chambre tandis que dans la pièce voisine celle qui a beaucoup de torts mais qui est ma femme lutte contre le mal, de son faible souffle dans l’obscurité, je me sens tout à coup prodigieusement responsable d’elle comme un capitaine de navire. […]
Peut-être me haïras-tu de te dire ça. Ce sera bien injuste. Je t’ai toujours dit honnêtement la vie de mon cœur, de mon esprit, de ma chair. Tu as tout su et tout compris, toujours. […] Sur ma vie je te jure que je n’ai pas triché, jamais. Je ne t’ai jamais menti, Sylvia. J’ai éprouvé pour toi une tendresse immense. Plus certaine que tu ne l’as cru. Sans doute n’était-ce pas l’amour. Mais ça n’enlevait rien de sa force. Ce qui causait mes absences, mes silences, mes tensions, mes disparitions, tout ce que tu m’as toujours si fort reproché, ç’a été que la force des choses faisaient entrer cette tendresse, ce désir aussi que j’avais de toi, en litige avec mon devoir de capitaine de mon navire. […]
Sylvia mon petit si je n’ose pas téléphoner c’est par panique. J’aurais tant besoin de ton aide, de ta compréhension, de ton amitié et j’ai peur d’entendre de toi des paroles qui augmenteront mon désarroi.

Provenance : Silvia Hamilton-Reinhardt, vente à Paris, le 20 mai 1976, n° 52 ; resté depuis dans la même collection.

Note : Silvia Hamilton-Reinhardt (Antoine préférait écrire son prénom avec un Y) fut interviewée par la revue ICARE en 1978… cela fait l’objet d’un autre article : confidences les traces d’un flash légendaire.



Si l’ensemble du courrier envoyé par Antoine à Sylvia fut un instant dévoilé car dispersé volontairement en 1976 (puis 2017), il n’en fut pas de même pour l’ensemble du courrier envoyé par Antoine à son autre maîtresse et bienfaitrice, cette dernière était mariée et honorablement connue, pour dire autrement elle était publiquement connue et honorablement mariée (pseudo : Pierre CHEVRIER utilisé pour le premier livre bibliographique édité en 1949 sur Saint-Ex).
La BNF – bibliothèque nationale de France – est dépositaire de ces précieuses archives et ne pourra les rendre publiques qu’en 2053 selon les volontés de la défunte = 50 ans après la mort de Nelly de VOGUE.
L’ensemble d’un autre important courrier amoureux sera dévoilé à ce terme… patience !