Bastide de Romegas et ses jardins remarquables

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Cette note est une synthèse historique de la Bastide de Romégas à Aix-en-Provence-Puyricard, dont les jardins sont classés « jardin remarquable » et sont ouverts au public. Jardin Romegas Provence

Sommaire

  1. Qu’est-ce qu’une bastide ?
  2. Les propriétaires
  3. La tèse
  4. Les mines d’eau

*** Diaporama musical dans les jardins ***

Les jardins de la bastide de Romegas, une belle découverte dans la campagne aixoise. C’est Marie-Ange Rater-Carbonel, propriétaire et déléguée régionale de l’association des Vieilles Maisons Françaises1, qui en organise la visite. Les jardins de Romegas.
Pour les éléments historiques et paysagers, lire l’excellent travail  : La bastide de Romegas : une histoire ancienne renouvelée, 1564-1945, Dominique Pinon, 2013
1 – Qu’est-ce qu’une bastide ?

A Marseille, comme en Provence, ce terme désigne à la fois un domaine agricole et un lieu de villégiature, [qui a] marqué les esprits par l’art de vivre qui s’y est développé, une maison de plaisance à la campagne, souvent à l’usage des citadins.

La bastide offre effectivement à ses propriétaires, […] une variété de loisirs et plaisirs : lieu de villégiature où la famille, élargie aux amis, se retrouve pour profiter d’un dimanche à la campagne, avec promenade sous les ombrages, jeu de boules ou de croquet, baignade dans le bassin, partie de chasse dont on déguste ensuite le produit, accompagné des légumes et fruits produits sur le domaine.  Exposition L’art de vivre à la bastide, Marseille, archives communales

2 – Les propriétaires XVIe-XXe
  • 1 – Le premier propriétaire connu, Michel Rouilhe
    Il est maître tailleur d’habits ; le mot ‘maître’ est important car seuls les marchands maîtres tailleurs avaient le droit de faire et vendre toutes sortes d’habits et accoutrements, et d’embaucher des apprentis. Ce qui explique qu’il a pu acquérir plusieurs terres de vignes au lieu-dit « Pierre Plantade » ; quelle est cette pierre plantée ? une borne romaine, un menhir ? selon moi tout simplement une borne-limite plantée dans les champs pour délimiter le territoire de Puyricard (Perricard) et celui d’Aix ; avant qu’il y ait une habitation sur le domaine, la borne devait être visible de loin !

    La première habitation date de 1604. Il songe déjà à en faire une bastide en 1625 mais, endetté, il vend son bien à des parlementaires, la famille Dupont. En 1640, la bastide est saisie.

  • 2 – Honoré Vigne et Noël Martin
    Deux maîtres artisans, Honoré Vigne, maître broquier3 et son gendre Noël Martin, maître cordonnier,achètent le domaine le 9 juillet 1640 dont l’habitation est en bien mauvais état. Sur trois côtés, ses voisins cultivent la vigne également. Il est confié par contrat à un méger2 un fermier qui entretient le domaine et partage – par moitié selon l’origine du terme mais ce n’est pas tout à fait ça quand on lit un contrat… – avec le propriétaire de la ferme les produits de la récolte. Noël Martin achète une boutique à Aix et une cave pour le vin dans une dépendance de l’hôtel de Coriolis. Le fils de Martin, Honoré Martin fait de nouvelles acquisitions de terres.

    Un incessant conflit entre les deux communautés Aix et Perricard aboutit à un nouveau bornage (1668). C’est important pour l’impôt de savoir si la bastide est sur Puyricard ou Aix. Des termes sont placés : un contre le mur de clôture de la propriété le long du chemin de Banon (aujourd’hui chemin de Saint-Donat), deux autres près de la bastide. Il en reste une identifiable par la description faite dans le rapport du 22/09/1668 dont j’ai respecté la présentation et l’orthographe de l’époque extrait du document de D. Pinon :

    […] sur lequel sept[ièm]e
    Borne y a esté gravé deux lignes formant un
    Angle aygus et ouvert de huitante quatre
    Degrés quinze minutes ayant son ouverture du
    Costé du levant […]
    Ce quy est du septentrion desd terres du terroir de
    Perricard et quy est du midy terroir d’Aix

    Toutes les précédentes acquisitions sont donc étudiées au vu de ces nouvelles bornes. Tout ce qui est au nord de la bastide, terme de « bastide » employé pour la première fois dans un acte, dépend de Puyricard et donc de l’archevêché d’Aix qui réclame aussitôt le paiement d’un impôt annuel. Mais au sud de la bastide, le domaine est franc de cens.

  • 3 – François Martin
    François Martin, légataire universel de la bastide et futur greffier garde-sacs4, commence une nouvelle page : il effectue des réparations sur la couverture et fait poser la génoise vers 1696. Le méger vit sur place, le propriétaire y séjourne de temps en temps. Sa fille Anne-Rose Martin, mariée à Nicolas Romégas, hérite de la bastide.
  • 4 – Nicolas de Romegas (°16/05/1692, x 03/02/1724, +15/4/1760)

    Nicolas Romegas issu d’une vieille famille de la noblesse, ne porte pas la particule ; il connaît la famille Martin pour l’avoir aidée dans une affaire en tant qu’avocat. Il fait plusieurs acquisitions de terres. C’est lui qui a donné son nom au domaine.
    Par le bail à mègerie signé en 1757, on sait qu’il y a vignes, céréales et fruitiers (amandiers). Le propriétaire se réserve la maison, le colombier et l’engrais : les fientes des pigeons fournissaient des engrais de bonne qualité pour les cultures, les fruitiers devant la chapelle, les feuilles de mûriers pour le ver à soie. Il y a une machine pour remonter l’eau jusqu’à un vivier. Dans le bail, sera obligé ledit méger de ramener à la bastide le prêtre les dimanches et jours de fête pour la messe, à l’aide d’une chaise.

    Utilitaire, certes, la chaise à porteurs est surtout un marqueur social. Si elle permet de se déplacer à l’abri des intempéries et sans crotter ses chaussures sur le pavé des rues, par la somptuosité de son décor elle est avant tout, comme les voitures, un moyen de paraître, d’être remarqué et de faire étalage de sa fortune et de son rang social. Extrait du site attelages patrimoine

    A sa mort, son fils aîné hérite du domaine.

  • 5 – Joseph François de Romegas (°1734, x 08/01/1761, + 11 mai 1797 Venise)
    Il est lieutenant général à la sénéchaussée d’Aix ; la bastide prend le nom de Romega comme en témoigne la carte de Cassini (1778).

    Le sénéchal est un officier royal qui, sous l’Ancien Régime, exerçait des fonctions d’administration et de justice ; ce terme, employé dans le sud équivaut à celui de bailli dans le nord.
    Troisième bornage en 1782 : les termes sont repositionnés dont deux à l’est de la bastide, les 6e et 7e  distants de 107m (mesure de l’époque 54 cannes).

    Avec les troubles révolutionnaires, il ne fait pas bon être officier royal : Joseph François émigre en Italie. Sa femme, par un acte de notoriété5, fait établir que son mari a quitté le territoire. Les biens sont saisis, sous-évalués comme souvent pour les biens nationaux, découpés en lots. Avec les confronts, figurent le nom des autres propriétaires jouxtant le domaine ; les citoyens modestes sont plus connus par leur surnom que par leur nom : Jean-Baptiste dit Lou Tourren, Joseph dit Loulambourinaise. Mais d’autres noms demeurent dans l’histoire au travers des noms d’aujourd’hui : Philip à l’est (la Philippine), Buisson (la Buissonne, propriété de Buisson), Joseph Bossy (Bossy).

    On y apprend qu’à l’étage les chambres et cabinets étaient recouverts de moellons d’Auriol, carreaux de forme hexagonale formés avec une argile fine rouge très répandus en basse Provence. Traité des roches considérées au point de vue de leur origine, de leur composition, de leur gisement et de leurs applications à la géologie et l’industrie, Henri Coquand, Paris ou Besançon, 1857. il y a un grand puits à machine qui servait pour arroser, c’est à dire une noria, pouso-raco en provençal, manœuvrée par un animal qui logeait dans un petit bâtiment face à la chapelle.
    En 1802, l’émigré François Nicolas est amnistié.

  • 6 – Jean Alexis Mignet (°1752, +1821)
    Jean Alexis Mignet, maître-serrurier, épouse Catherine Nègre. Les deux filles Mignet, Madeleine et Cécile, sont mariées à deux frères Michel, Etienne et Honoré Valentin. Il acquiert le domaine par adjudication en 1795. Peu après sa mort, en 1824,  un rapport d’experts inventorie et estime ses biens en vue du partage entre les tous les co-héritiers.
  • 7 – Les frères Michel (1825, 1860)
    Etienne (°1784, +1860), méger de Romegas, et Honoré  Valentin Michel (°1792, +1878) rachètent le domaine par adjudication en 1825, date de la pose du cadran solaire. En 1826, ils versent aux petites-filles Mignet leur part d’héritage.
  • 8 – Etienne François Xavier Michel
    Il hérite seul du domaine. Il a épousé une des sœurs de François Mignet, Madeleine.
    François Auguste Mignet (°08/05/1796, + 24/03/1884), le fils d’Alexis Mignet, historien et ami de Thiers, n’est donc pas propriétaire de la bastide mais aura le droit d’en jouir conformément au testament d’Etienne. C’est à la bastide, à l’été 1823, que Mignet a écrit en quatre mois son Histoire de la révolution encensé par le directeur de publication du journal Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire, Gustave Chadeuil, Paris, 1885-11-08.
    François Louis Michel (°1834, +1896), et Evariste Hilarion Michel (°1837, +1924), ses neveux, seront les légataires universels de François Mignet.
  • 9 – François Michel (°1833, +1896)
    Fils d’Etienne ; il reçoit en héritage la part de son frère Auguste en 1860 et devient donc l’unique propriétaire ; son oncle, François Auguste Mignet garde non seulement le droit de jouir de Romegas mais y finance de nombreux travaux.
  • 10 – Jeanne Michel (°1869, +1941)
    Fille de François Michel, épouse Alfred Jauffret
  • 11 – Françoise Jauffret (°1899, +1989)
    Fille du couple précédent, épouse Evariste René Carbonel (°1897, °1989).
  • 12 – Marie-Ange Rater-Carbonel
    Fille du couple précédent, elle est donc l’arrière-petite-fille de la sœur de François Auguste Mignet, notre historien aixois.

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En suivant la Route Cezanne, route classée

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Photo à la une : archives Méjanes 13, 6 Fi 9809 – Environs d’Aix-en-Provence : route du Tholonet, Société Editions de France, 1951.
— Cliquer sur les images pour les agrandir —

En installant son chevalet pliant et portatif dans la campagne aixoise, Paul Cezanne a peint les routes qui la sillonnent : la route de Valcros qui mène chez sa sœur et au bord de l’Arc depuis le Jas de Bouffan, le chemin des Lauves au-dessus de son atelier, et la route du Tholonet qu’il emprunte régulièrement toute sa vie, soit à pied, soit en calèche, pour se rendre vers Château Noir et le plateau de Bibémus. Là il plante son chevalet dans les sous-bois épais qui le protègent des regards indiscrets. […] Après déjeuner, un vieux cocher arrivait avec une antique calèche, cahin-caha, devant sa maison, et Cezanne descendait le rejoindre avec sa boite à couleurs sa grande palette et quelques toiles attachées. C’était du côté du Tholonet qu’il se rendait de préférence ; il y avait, un peu sur la hauteur, à l’orée d’un bois sombre, quelques pins qui avait poussés, isolés […]
Souvenirs de jeunesse sur Paul Cézanne, Aurenche (Louis), Editions des Quatre chemins, Paris, 1960

De grands esprits, artistes, poètes, philosophes, se sont, au cours des temps, épanouis en ces lieux. Paul Cezanne bien sûr et ses amis Émile Zola, Baptistin Baille, Philippe Solari, Aurélien Houchard, Joseph Ravaisou et Louise Germain, mais aussi à sa suite, Fernand Pouillon, Maurice Blondel, Léo Marchutz, André Masson, Pierre Tal-Coat, Jacqueline de Romilly, Pierre Teilhard de Chardin, Jacques Duby, François Aubrun et bien d’autres encore.

Peintres et écrivains de la Route Cezanne

C’est en hommage à l’œuvre de Paul Cezanne que André Malraux déclare La Route qui relie Aix-en-Provence à la commune du Tholonet « site classé » (arrêté du 30 mai 1959), la seule route classée de France. Le 17 juillet de la même année, il prend un décret qui baptise cette route la Route Cezanne. Pour retrouver les motivations profondes de cette aventure, il faut rappeler les liens amicaux de politique et de culture entre André Malraux et André Masson, leur goût commun pour les arts en général et la peinture en particulier.

En 1986, dans son ouvrage, Cezanne, la vie, l’espace, Raymond JEAN, le romancier et essayiste aixois décrit ainsi La Route Cezanne :

La route plonge et remonte plusieurs fois vers le paysage de la Sainte-Victoire. Des pins, des cyprès, des oliviers, le chant des cigales, très fort l’été. Incroyable de stridence quelquefois, dans le silence de midi. Des propriétés, des « campagnes » très belles, très abritées, aux noms riants. Des maisons, des résidences, qui rappellent que la peinture présente en ces lieux, rode partout. L’atelier de Léo Marchutz, niché dans les arbres à gauche, la maison d’André Masson, plus bas à droite. Plus loin à gauche, l’étrange bâtisse très cachée, très enfouie de Château Noir […]. Lieu assez âpre, très protégé où viennent séjourner des artistes […].
Mais aussi sur cette route, d’autres repères. Nombreux embranchements de chemin de terre. Vallonnements, tertres, tournants. Brutal et douloureux rappel de l’histoire avec une plaque du souvenir de six jeunes résistants fusillées là, en août 1944. Et puis bien entendu, ce qui commémore surtout Cezanne lui même. Sur ce talus de terre rouge du côté gauche de la route, où il était supposé monter, avant le chemin de Saint Jacques, on a posé une petite stèle très sobre qui indique que D’ici, Cezanne a peint le paysage de Sainte Victoire. Le paradoxe est que de cet endroit précis, aujourd’hui, en raison du développement des frondaisons, de la modification de l’implantation végétale, la Sainte Victoire n’est plus visible

En 2009, dans son ouvrage, Route Cezanne, route classée, Guy Ballossier nous invite à un pas à pas sur La Route :

Flâner, se promener sans hâte, en s’abandonnant à l’impression et au spectacle du moment. […] Suivre les traces de Cezanne, reconnaître et approcher quelques-uns des points de vue de ses célèbres paysages dans leur cadre naturel, découvrir des curiosités qui vous attendent aux tournants de tout ce parcours. […] Au bout de la Route, le village vous présentera son patrimoine aménagé au fil des siècles. Il contient à la fois des traces matérielles et des traces spirituelles qui font aimer le pays où l’on vit.

Ces deux livres sont aujourd’hui épuisés mais on peut les consulter à la Bibliothèque Méjanes et aux Archives Vovelle.
Cezanne la vie l’espace, Jean (Raymond), Editions du Seuil, coll Fiction et Cie, 1986
Route Cézanne, Route classée, Ballossier (Guy), Éditions Flâneries, 2009.

Cet article reprend l’esprit de ces deux ouvrages pour découvrir, à pied et en flânant, la beauté de La Route, la richesse patrimoniale et les curiosités du parcours.

Si vous voulez marcher dans les pas de Cezanne, le plus proche parking est le parking de la Torse. De la Torse au Château du Tholonet, vous ferez 3.7 km. Cependant, compte tenu de la dangerosité de la route, très fréquentée, il est conseillé aux familles de découvrir le parcours lors de la manifestation « Route Cezanne piétonne » organisée en principe chaque année un dimanche de juin ou de septembre. Renseignements Mairie du Tholonet 04 42 66 90 41

Panneau réalisé par François Gilly, artiste plasticien,  pour La Route Cezanne piétonne de 2006

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Le Hameau du Trou à Saint-Antonin sur Bayon

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Mise à jour significative du contenu le 17 février 2014

Tous les randonneurs en route pour la Sainte-Victoire en passant par le refuge Cézanne connaissent le hameau du Trou et sa petite chapelle coincée contre un rocher isolé au milieu d’une aire plate, sur le piémont sud de la montagne.  Afin d’être restauré par le conseil général des Bouches-du-Rhône, il a fait l’objet d’un diagnostic archéologique.

Je remercie infiniment Nathalie Molina et Xavier Chadefaux de l’INRAP de m’avoir communiqué ce document de diagnostic qui a servi de base à mes réflexions.

A l’aide de cette étude, de quelques lectures dont un livre édité par les Amis de Sainte-Victoire, je vous propose un essai de compréhension de ce site. Toute personne pouvant infirmer ou confirmer un élément historique peut m’écrire webmaster de randomania : par avance, je la remercie.

Eléments de chronologie historique de Saint-Antonin sur Bayon

Au second âge du fer, la zone du Trou était déjà occupée ; à l’époque gallo-romaine, le site est réoccupé mais rien ne permet d’affirmer qu’il l’a été de façon continue ensuite. A proximité immédiate du hameau, aucun indice de cette occupation n’a été trouvée.

Les vicomtes de Marseille héritent du domaine de Bayle (plateau du Cengle) vers 950  ; ils donnent le castrum de Saint-Antonin aux moines de Saint-Victor ; puis s’y établit la célèbre commanderie templière en accord avec les moines de Saint-Victor.

En 1550, la seigneurie de Saint-Antonin est rachetée par Antoine Donat puis elle passe aux mains de Jérôme Odaly (vers 1550), Louis de Garnier (1650) dont le père avait épousé la dame de Saint-Antonin et de Bayle. Ce dernier payait toujours une redevance au prieur de Saint-Victor.

Liens entre le Trou et l’Ermitage de Sainte-Victoire

  • Une donation de terre effectuée par Gaspard de Garnier, seigneur de Saint-Antonin et Rousset en 1659 au Sieur Aubert [abbé au prieuré] mentionne à plusieurs reprises les textes de la fin du XVIIè s. Il est question d’un

vallon situé au sud de l’Ermitage jusqu’à un grand rocher qui s’étend en pyramide au milieu dud-vallon, le séparant en deux.

La donation précise que

le sieur de Saint-Antonin donne à bail le terrain (…) pour pouvoir, led-Messire Aubert ou ses successeurs aud-hermittage, y planter arbres, y construire tel bâtiment qu’ils trouveront bon.

Il s’agit  des terrains en forte pente situés au sud de la falaise du côté du jardin des moines. Un espace carré d’à peine 100m de côté (mesuré sur carte IGN), avec un rocher en forme de pyramide bien visible depuis la brèche.

    • L’acte de 1674 (ADBdR 301 E 1292) porte sur un territoire cédé par le Seigneur de Beaurecueil et Roques Hautes, le Sieur (Pierre ?) de Cormis, à Aubert, prieur de l’Ermitage Notre-Dame de Victoire.

Il s’agit d’une terre située au quartier des Armellins terroir dudit Roques Haultes d’une étendue de 31 journaux. Cette terre semble proche du domaine de l’Ermitage ; il est question d’un droit de passage par le Bau Rouge pour aller et venir de Vauvenargues. Cet acte autorise aussi la construction de plusieurs bâtiments, à savoir un four à pain, des fours à chaux, un pigeonnier « à cheval », une garenne et enfin, une chapelle. Approximativement, compte tenu que le journal était une mesure fort variable d’une région à l’autre, ou même d’une commune à l’autre, la terre cédée mesurait approximativement 31*0,33ha ± 10 ha.

Plutôt que 31 journaux, il serait préférable d’écrire 30 + 1 car le journal supplémentaire lui est donné en échange de la promesse de dire une messe à l’ermitage, ou dans une chapelle qu’il construirait à Roques-Hautes.

    • Le document de 1681 (ADBdR 4 B 98) est le texte de la donation avortée – faite par le Sieur Aubert à l’ordre des Camaldules – du domaine de l’Ermitage appartenant au territoire du Seigneur de Beaurecueil.

Le texte rappelle le devoir de dire une messe tous les ans dans la chapelle qui doit être faite. Il est clairement écrit que […] ledit Messire Aubert a fait construire une bastide, fait planter des vignes, arbres fruitiers et autres. M. Court, historien de l’Ermitage, propose d’associer la bastide de 1681 au domaine de Riouffé, dont les ruines sont toujours visibles. Il s’appuie pour cela sur une mention de l’abbé Paulet (1905) : « J. Lambert a reçu en louis d’or et en pièces d’argent et autre monnaie de Me Jacques Riouffé, […] la somme de 123 livres » pour une bastide et son affard qu’il a acquis, et auxquels l’abbé Aubert fait référence dans son testament de 1692.

  • Septembre 1682 : Enquête demandée par l’archevêque

Les habitants réclament une chapelle sur leur territoire pour éviter de se rendre au Tholonet trop éloigné. Parfois, ils utilisent la chapelle du château, ce que n’aime pas le seigneur du lieu. L’archevêque ordonne une visite pour compter le nombre d’habitants de Roques-Hautes. La décision de construire une chapelle est prise. Plus de raison que l’abbé Aubert en construise une.

  • 14 novembre 1682 : vente du terrain de Roques-Hautes
    Les limites du terrain sont clairement exposées ; elles n’ont pas changé depuis la création du fief, et ne changeront pratiquement pas ensuite. A l’est, c’est celle des terres du seigneur voisin de Saint-Antonin.

    … confrontant de levant et de midi de long en long terroir du Sr de Saint-Anthonin, et dudit côté de midi le vallat dit de Bayeu, le grand chemin allant d’Aix à Saint-Anthonin entre deux de couchant [ouest] et septentrion [nord] terres dudit sieur de Beaurecueil.

    Le texte précise que 30 journaux [sont] francs de cense et un journal [est] chargé de quinze sols annuellement […] pour tenir lieu et place de [???] la messe que ledit messire aubert s’était obligé […] dire annuellement pendant qu’il jouirait desdits biens.

Aubert s’était engagé à dire une messe à l’ermitage, tous les ans, pour le Sieur de Beaurecueil et son père, en échange de ce 31è journal à Roques-Hautes ; pour pouvoir en jouir,  les futurs acheteurs devront payer 15 sols de cense.

M. Court suppose que la donation du seigneur de Beaurecueil inclut le hameau du Trou mais d’après le texte précédent, cette terre ne lui appartenait pas. Plusieurs indices par la suite le confirmeront :

  • il est écrit clairement que les limites de sa propriété à l’est, ce sont les terres du seigneur de Saint-Antonin ;
  • les états de capitation de Saint-Antonin (et non Beaurecueil) à cette époque ; en 1704, selon J. Ganne, y figurent 8 ‘David’, identifiés comme demeurant au Trou et au Bouquet ;
  • les recensements de population : en 1728, celui de Saint-Antonin inclut le quartier du Trou ;
  • Au début du XVIIIè la commune est très pauvre : 11 maisons habitées en 1728 dont 4 autour du château, 2 au Trou (sans doute les parents de François et Dominique David recensés sur le cadastre napoléonien de 1827), 4 au Bouquet et 1 à Subéroque. Quelques rares tessons plus anciens confirment cette occupation.
  • Puis on retrouve une trace écrite du hameau du Trou sur la carte de Cassini de 1778 ; il figure avec le même symbole que la Coquille ou Genty, c’est à dire comme établissement agricole : les ruines d’habitations, d’un four à pain, de deux puits, de quelques bâtiments agricoles et d’une aire de battage, les restanques, le confirment ; à l’est un lieu nommé Chateau-Vieux (château de Saint-Antonin sur Bayon), au sud Rieufont (sans doute le Riouffé actuel), à l’ouest la bastide de Roque-Hautes représentée comme un château ou une gentilhommière.
  • Pas de chapelle indiquée sur le cadastre de 1827.
  • On retrouve trace officielle des habitants du Trou sur les recensements de 1841, 1846 et 1851 mais pas au delà.
  • M. Court nous apprend que

    dans ce quartier existe une chapelle ruinée, au pied d’un bloc de pierre surmonté d’une croix. On l’appelle ermitage du Trou. Du temps de l’abbé Fissiaux et de la colonie pénitentiaire de Saint-Pierre sise au château de Beaurecueil [ndlr : la colonie a existé de 1853 à 1880], cette chapelle était fréquentée. Elle était dédiée à Notre-Dame des Sept Douleurs, et le père Rousset en fut longtemps le gardien. Il y a accueilli, après 1875, les pèlerins de la Croix de Provence au retour de leur excursion ; elle est donc mentionnée pour la première fois à la fin du XIXè s.

D’après la biographie de Charles Fissiaux, en 1853 le P. Fissiaux demande à l’état une propriété presque inculte à Beaurecueil pour y créer une ferme modèle pour les détenus qui parviennent à y faire pousser de la vigne ; l’abbé Fissiaux, agronome distingué, a reçu la médaille vermeil pour l’ensemble de ses produits en 1857 au concours agricole ; en 1853, le pape daigne approuver les règles et constitutions de l’Institut de Saint-Pierre-es-Liens.

  • L’abbé Constantin qui recense toutes les chapelles rurales des paroisses du diocèse d’Aix à la fin du XIXè ne cite pas cette chapelle : elle n’est donc pas consacrée, sans office religieux ni abbé désigné.

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