Les murs à abeilles de Provence

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Miel de ProvenceLe miel est connu depuis les temps préhistoriques et les hommes en ont toujours consommé. Seul produit sucrant connu pendant longtemps (en dehors de quelques fruits sucrés tels le raisin, la datte, la figue), le miel a toujours fait partie des productions agricoles traditionnelles avant qu’il ne soit détrôné par l’usage du sucre de canne avec la découverte de l’Amérique et concurrencé au XIXe siècle par le sucre de betterave.

Les ruches naturelles

Les premiers murs à abeilles ont été faits par la nature elle-même. Les insectes construisent leurs rayons de cire dans les anfractuosités des rochers où ils trouvent les conditions idéales à leur installation. On a retrouvé de tels murs dans des grottes datant du Néolithique en Espagne, en Rhodésie et au Népal. Plus près de chez nous, c’est le cas du Rocher de Cire près de Monieux, des gorges de la Nesque, de la Barre des Abeilles dans les falaises du ravin de Tallagard à Salon-de-Provence.

Barre rocheuseRuche naturelle

Illustrations : en haut, barre rocheuse propice à l’installation de ruches naturelles, en bas, ruche naturelle dans une paroi rocheuse.

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Le mur de la peste, longue barrière sanitaire

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L’histoire de l’arrivée de la peste par le Grand Saint-Antoine

Début 1720 : le vice-roi de Sardaigne avait rêvé la nuit précédant l’arrivée du Grand Saint-Antoine (un navire trois-mâts, à la mode hollandaise) que la peste ravageait son gouvernement : il refusa au navire l’entrée du port de Cagliari (Sardaigne). Dans sa deuxième escale à Tripoli le capitaine Chataud prit le 3 avril quelques turcs qu’il devait déposer à Chypre. L’un d’eux mourut subitement. Quelques jours plus tard, les deux marins qui lui rendirent hommage moururent également. En Toscane, à Livourne, ni le médecin ni le chirurgien ne reconnurent la peste alors que trois nouveaux matelots venaient d’être frappés. Le navire perdit 7 hommes mais sa patente1 était nette. A cette époque avait été mis en place le régime des « patentes » pour lutter contre les contaminations en provenance du Moyen-Orient où la peste régnait pratiquement à l’état endémique.

25 Mai 1720
A son arrivée à Marseille Jean-Baptiste Chataud, le capitaine du Grand St-Antoine avait une patente « nette ».  Les cales sont pleines de soieries destinées à la foire de Beaucaire représentant une forte valeur marchande.  Le capitaine ayant de fortes présomptions de la présence de la peste à bord, fait donc tout naturellement mettre navire, équipage et cargaison en quarantaine dans le port de Pomègues, une des îles du Frioul. A Pomègues, François Lion agonise : c’est le 8ème mort. Les 11 intendants se prononcent : isoler le cadavre aux infirmeries et isoler le vaisseau dans l’anse de la Grande Prise. Le chirurgien du bureau de santé ne reconnaît pas les symptômes de la peste : le marin n’a pas les bubons révélateurs de la maladie. Pourtant, il a été contaminé probablement lors de l’escale à Livourne au cours de laquelle il a transporté les corps des 3 autres marins. En cas de patente brute, l’équipage était retenu aux infirmeries, la cargaison subissant plusieurs parfums. Les intendants trop confiants admettent aux Infirmeries d’Arenc (Marseille) passagers et marchandises. Plusieurs caisses chargées de marchandises de contrebande furent introduites dans les bas quartiers.

Les « Nouvelles infirmeries » ont été construites entre 1663 et 1668 à Saint-Marcel d’Arenc. Un an plus tard, en mars 1669, Colbert accordait à Marseille le monopole du commerce avec le Levant. Le Bureau de santé de Marseille, crée en 1640, devint très rapidement supérieur en technique à tous les autres, grâce à la politique menée par les intendants de santé locaux. Ce Bureau de santé fut supprimé le 24 décembre 1850.

4 juin 1720 : Jean Baptiste Estelle, armateur et échevin, voit d’un mauvais oeil ses soieries bloquées ; fort de la patente nette et de l’attestation du chirurgien, le premier échevin met fin à la quarantaine au bout de 18 jours et autorise marchandises puis voyageurs et équipage à débarquer.

Les échevins mettront un mois avant de reconnaître officiellement l’épidémie. Ils ordonnent aux 3000 miséreux de la ville de la quitter sous 24h. Ce qui ne fera qu’augmenter la propagation…

22 juin 1720 : premier décès à Marseille.

27 juin 1720 : le Grand Saint-Antoine est placé en quarantaine à l’Île de Jarre

31 juillet 1720 : le parlement de Provence reprend les rênes en main  et décide d’isoler Marseille. On met injustement toute la responsabilité du fléau sur Chataud qui est enfermé au Château d’If pendant plus de deux ans.

4 septembre : 1ère ligne sanitaire sur la rive droite de la Durance, de Bonpas à Mérindol

La peste atteint Apt, le 25 septembre.

26 Septembre 1720 : le grand Saint-Antoine est brûlé et coule dans l’anse de Jarron par ordre du Régent. Les mobiliers archéologiques remontés du Grand Saint Antoine sont aujourd’hui exposés au musée de l’Hôpital Caroline sur l’ile de Ratonneau. Le vice-légat établit la 2ème ligne sanitaire de la Durance au Ventoux, la France de Bollène à Embrun.

La peste atteint Carpentras le 24 octobre 1720 où l’on expose les reliques de saint Siffren et de Saint-Cloud pour éloigner le fléau.

22 février 1721 : un arrêt du Conseil du roi interdit le commerce de marchandises avec les ports de Provence
février 1721 : le vice-légat2 interdit les fêtes et le carnaval.

Des cordons sanitaires (sous forme de mur de pierres sèches ou fossé) existent donc bien le plus souvent aux frontières entre la Provence, le Dauphiné et le Comtat Venaissin ; en février 1721, les trois états sont obligés de s’entendre pour être efficaces ; la surveillance est hélas parfois relâchée sous la pression de certains habitants.

cordons sanitaires (selon étude Alice Bonnet)

17 mars 1721 : les travaux de la muraille commencent et se terminent fin juillet, gardée par les comtadins.

17 août 1721 : la peste est à Avignon

16 septembre 1721Avignon étant déclarée officiellement en état d’épidémie, le vice-légat2 prononce la quarantaine. La maladie se propage dans le Comtat Venaissin. Une troisième barrière sanitaire mobile est établie entre Cavaillon et Orange. Les soldats du Régent remplacent les Comtadins sur le mur.

Méthamis, le 21 septembre 1721, le bureau de santé ordonnait :

exemple d'un billet de sante (Pierre Thibaud 12-novembre-1720)jpg

Que ceux des habitants qui voudraient aller travailler à la vendange hors du terroir ne pouvaient aller qu’à Carpentras ou autres lieux plus proches ; qu’à leur retour ils apporteraient une attestation des personnes chez qui ils auraient travaillé et le nombre de jours qu’ils auraient travaillé chez chacun, au défaut de laquelle attestation ils ne seraient plus reçus dans le lieu.

D’une façon générale, en ce temps de vendanges, les raisins ne pouvaient attendre et de nombreux consuls ou bureaux de santé remirent aux vendangeurs de leur commune une « carte marquée aux armes de la ville » leur servant de laissez-passer.

Juillet 1722, la situation évolue rapidement. Le mur se retourne alors contre ceux qui l’avaient construit et ce sont désormais les français, qui s’occupent de la troisième ligne.

2 octobre 1722 : fin de la peste à Avignon

1er décembre 1722 : levée des barrières du Comtat le long de la troisième ligne

31 janvier 1723 : levée de toutes les lignes

La peste de 1720 dans le livre de Gaffarel sur Gallica

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