Photo à la une : archives Méjanes 13, 6 Fi 9809 – Environs d’Aix-en-Provence : route du Tholonet, Société Editions de France, 1951.
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En installant son chevalet pliant et portatif dans la campagne aixoise, Paul Cezanne a peint les routes qui la sillonnent : la route de Valcros qui mène chez sa sœur et au bord de l’Arc depuis le Jas de Bouffan, le chemin des Lauves au-dessus de son atelier, et la route du Tholonet qu’il emprunte régulièrement toute sa vie, soit à pied, soit en calèche, pour se rendre vers Château Noir et le plateau de Bibémus. Là il plante son chevalet dans les sous-bois épais qui le protègent des regards indiscrets. […] Après déjeuner, un vieux cocher arrivait avec une antique calèche, cahin-caha, devant sa maison, et Cezanne descendait le rejoindre avec sa boite à couleurs sa grande palette et quelques toiles attachées. C’était du côté du Tholonet qu’il se rendait de préférence ; il y avait, un peu sur la hauteur, à l’orée d’un bois sombre, quelques pins qui avait poussés, isolés […]
Souvenirs de jeunesse sur Paul Cézanne, Aurenche (Louis), Editions des Quatre chemins, Paris, 1960
De grands esprits, artistes, poètes, philosophes, se sont, au cours des temps, épanouis en ces lieux. Paul Cezanne bien sûr et ses amis Émile Zola, Baptistin Baille, Philippe Solari, Aurélien Houchard, Joseph Ravaisou et Louise Germain, mais aussi à sa suite, Fernand Pouillon, Maurice Blondel, Léo Marchutz, André Masson, Pierre Tal-Coat, Jacqueline de Romilly, Pierre Teilhard de Chardin, Jacques Duby, François Aubrun et bien d’autres encore.
Peintres et écrivains de la Route Cezanne
C’est en hommage à l’œuvre de Paul Cezanne que André Malraux déclare La Route qui relie Aix-en-Provence à la commune du Tholonet « site classé » (arrêté du 30 mai 1959), la seule route classée de France. Le 17 juillet de la même année, il prend un décret qui baptise cette route la Route Cezanne. Pour retrouver les motivations profondes de cette aventure, il faut rappeler les liens amicaux de politique et de culture entre André Malraux et André Masson, leur goût commun pour les arts en général et la peinture en particulier.
En 1986, dans son ouvrage, Cezanne, la vie, l’espace, Raymond JEAN, le romancier et essayiste aixois décrit ainsi La Route Cezanne :
La route plonge et remonte plusieurs fois vers le paysage de la Sainte-Victoire. Des pins, des cyprès, des oliviers, le chant des cigales, très fort l’été. Incroyable de stridence quelquefois, dans le silence de midi. Des propriétés, des « campagnes » très belles, très abritées, aux noms riants. Des maisons, des résidences, qui rappellent que la peinture présente en ces lieux, rode partout. L’atelier de Léo Marchutz, niché dans les arbres à gauche, la maison d’André Masson, plus bas à droite. Plus loin à gauche, l’étrange bâtisse très cachée, très enfouie de Château Noir […]. Lieu assez âpre, très protégé où viennent séjourner des artistes […].
Mais aussi sur cette route, d’autres repères. Nombreux embranchements de chemin de terre. Vallonnements, tertres, tournants. Brutal et douloureux rappel de l’histoire avec une plaque du souvenir de six jeunes résistants fusillées là, en août 1944. Et puis bien entendu, ce qui commémore surtout Cezanne lui même. Sur ce talus de terre rouge du côté gauche de la route, où il était supposé monter, avant le chemin de Saint Jacques, on a posé une petite stèle très sobre qui indique que D’ici, Cezanne a peint le paysage de Sainte Victoire. Le paradoxe est que de cet endroit précis, aujourd’hui, en raison du développement des frondaisons, de la modification de l’implantation végétale, la Sainte Victoire n’est plus visible
En 2009, dans son ouvrage, Route Cezanne, route classée, Guy Ballossier nous invite à un pas à pas sur La Route :
Flâner, se promener sans hâte, en s’abandonnant à l’impression et au spectacle du moment. […] Suivre les traces de Cezanne, reconnaître et approcher quelques-uns des points de vue de ses célèbres paysages dans leur cadre naturel, découvrir des curiosités qui vous attendent aux tournants de tout ce parcours. […] Au bout de la Route, le village vous présentera son patrimoine aménagé au fil des siècles. Il contient à la fois des traces matérielles et des traces spirituelles qui font aimer le pays où l’on vit.
Ces deux livres sont aujourd’hui épuisés mais on peut les consulter à la Bibliothèque Méjanes et aux Archives Vovelle.
Cezanne la vie l’espace, Jean (Raymond), Editions du Seuil, coll Fiction et Cie, 1986
Route Cézanne, Route classée, Ballossier (Guy), Éditions Flâneries, 2009.
Cet article reprend l’esprit de ces deux ouvrages pour découvrir, à pied et en flânant, la beauté de La Route, la richesse patrimoniale et les curiosités du parcours.
Si vous voulez marcher dans les pas de Cezanne, le plus proche parking est le parking de la Torse. De la Torse au Château du Tholonet, vous ferez 3.7 km. Cependant, compte tenu de la dangerosité de la route, très fréquentée, il est conseillé aux familles de découvrir le parcours lors de la manifestation « Route Cezanne piétonne » organisée en principe chaque année un dimanche de juin ou de septembre. Renseignements Mairie du Tholonet 04 42 66 90 41
Panneau réalisé par François Gilly, artiste plasticien, pour La Route Cezanne piétonne de 2006
- Au numéro 10, La Brillanne (propriété privée) : résidence de Fernand Pouillon, architecte d’exception à qui on doit, entre autres, l’ensemble immobilier des 200 logements à Aix (1951) « 200 logements, 200 jours, 200 millions » et l’achèvement de la reconstruction du Vieux-Port à Marseille. Il fréquente le groupe des artistes installés sur la Route Cezanne et soutient Léo Marchutz, aménageant son atelier sur son terrain, de l’autre côté de la Route. La Brillane devint un lieu majeur de réception de célébrités, notamment au moment du Festival d’Aix.
- En face, au numéro 5, l’Atelier Marchutz : un sentier de terre un peu plus loin à gauche, borné d’une pierre gravée s’ouvre comme un chemin cezannien vers cette école ouverte en 1972 accueillant principalement des jeunes américains.
Né en 1903 à Nuremberg, Leo Marchutz fait connaissance avec les œuvres de Cezanne et de Van Gogh à partir de 1919. Intéressé par l’œuvre de Paul Cézanne, dont il deviendra l’un des plus grand spécialistes, il effectue un premier voyage à Aix à l’été 1928 pour s’installer définitivement à Château Noir près d’Aix-en-Provence en 1931.Pendant les années noires de l’occupation nazie, il doit se cacher et survit grâce à l’entretien d’une ferme à volailles, commencée avant la guerre et reconnue d’intérêt général, aidé par son épouse Barbara. Il met son savoir-faire à disposition de différents artistes, dont Tal Coat, André Masson, Pierre Jean Jouve et Fernand Pouillon, qui deviendra son mécène.
Il est missionné par la Ville d’Aix pour la réalisation de plusieurs expositions dans cette ville, en particulier deux expositions d’œuvres de Paul Cezanne.À partir de 1959, il dispense un enseignement de la peinture dans le cadre de l’Institut Américain Universitaire d’Aix, créant en 1972 sa propre structure d’enseignement de la peinture : l’Atelier. - Au numéro 14, l’Harmas : le peintre André Masson s’installa de 1947 à 1953, chez le céramiste Michaëlis, au voisinage de Fernand Pouillon, avant de s’installer aux Cigales (numéro 1942 de la Route). Aujourd’hui Résidence de retraite Eléonore.
- Au lieu-dit « le Vallon des Gardes Bas » : du haut du pont qui enjambe le vallon desséché, on a une vue plongeante sur le pont-siphon qui permettait de traverser le vallon grâce à de l’eau sous pression contenue dans un réservoir de chasse un peu plus haut. La suite du tracé se devine sur le talus dans un espace forestier riche de chênes généreusement ramifiés.
Curiosité botanique : un canal a aussi ses fuites. Ses eaux égarées ont favorisé l’implantation de cannes de Provence (qui poussent principalement en milieu aquatique) lesquelles se dressent en gerbes isolées le long de la route.
- Le siphon des Gardes (sur le côté gauche de la Route) : tel est le nom inscrit dans la pierre de cette construction massive qui est le réservoir du siphon du canal Zola. Une conduite en forme de U permet de faire passer les eaux à un niveau inférieur par gravité.
- La stèle aux résistants au pont de Bagatelle (pont du canal Zola) : ce lieu, célèbre le martyr de six jeunes résistants aixois fusillés par l’occupant le 17 août 1944, en représailles, deux jours après le débarquement de Provence.
- Au numéro 940, le Mas des Girandoles, propriété privée. Au bord de La Route, son puits, couvert d’une guérite en pierre sèche, rappelle la construction des bories et bergeries.
Les puits de type guérite que l’on peut voir dans le pays d’Aix, sont des constructions à hauteur d’homme, tout en pierre, sans éléments de charpente
En face des Girandoles, dans les broussailles du talus de terre rouge, en surplomb, à gauche, on aperçoit une borne taillée dans la brèche du Tholonet. Installée à l’initiative de la commune et inaugurée en 1948 sous le patronage de Marcel Provence, elle témoigne que D’ici, Cezanne a peint le paysage de Sainte Victoire.
A la une de cet article, la photo de la borne en 1951.La brèche du Tholonet, tirée de la carrière dite « Brèche du loup » au Tholonet, marbre-conglomérat à fond jaune, contenant des éléments anguleux. Privilège royal, les blocs (6 à 7 tonnes) étaient acheminés sur des traineaux, charrettes, bateaux vers les Ateliers du roi près de Versailles et façonnés en tablettes, guéridons, commodes…Les colonnes du Trianon sont en marbre du Tholonet.Au bout d’un petit chemin, la Campagne May fut la résidence de Jacqueline de Romilly, célèbre hélléniste élue à l’académie française en 1988. Elle travaillait à Paris et pourtant c’est au Tholonet qu’elle est venue se ressourcer, au fil de sa vie, pendant les vacances, dès Pâques, l’été et aussi en septembre.
- Sur le bord droit de La Route, le pin qui se dresse avec ampleur et panache pourrait être l’emblématique pin de Cezanne. Le célèbre tableau « Le grand Pin » est conservé au musée d’art de Sâo Paulo. A noter que Cezanne, qui signait rarement ses tableaux, a signé celui-ci.
Les arbres de la Route Cezanne
Une ethnobotanique méditerranéenne, Lieutaghi (Pierre), Éditions Actes sud, 2017
– les chênes constituent l’essentiel de la forêt originelle de la colline : le chêne blanc à feuille caduque de l’espèce pubescente, couverts de poils fins et courts (Usage : glands pour la nourriture animale, bois pour le combustible, la charpenterie et la menuiserie) et le chêne kermès à feuillage persistant, buisson dense de 1 à 2m de hauteur. Usage : fascines (fagots) pour chauffer les fours des boulangers ou ramoner les cheminées, emploi de son écorce très riche en tanin dans l’industrie des peaux.
– les pins d’Alep, arbres indigènes nés dans ce pays, malgré leur appellation exotique.
A partir de 1869, les pins d’Alep seront semés sur les herbages ou les terrains recouverts de broussailles de la colline, le pin ayant le rôle de parasol pour favoriser la croissance du chêne dont on espère valoriser l’écorce pour le tannage. En 1928 une unité de distillation de résine s’installe à Septèmes au nord de Marseille et à partir de cette date la gestion de la forêt s’oriente vers le gemmage : la résine de pin d’Alep, très pure étant appréciée pour la fabrication d’essence de térébenthine et de colophane. En 1956, après un mois de février exceptionnellement doux le thermomètre descend brusquement à -20° : 50 % des arbres sont détruits (Ce gel a aussi ruiné la plupart des oliviers et des amandiers de Provence). A ce coup dur, s’ajoute la fermeture de l’usine de distillation.
– les arbres de Judée qui sont en fleurs de mars à mai,
– les amandiers plantés au bord des chemins – car les bonnes terres étaient réservées aux plantes de première nécessité – qui fleurissent avant tous les utres,
– les cyprès de Provence, éléments essentiels du paysage, qui sont plantés le plus souvent par groupe de 3 ou 4 (s’il n’y en a qu’un, passez votre chemin, vous n’êtes peut être pas le bienvenu…),
– les genévriers oxycèdres connus en Provence sous le nom de cade (huile pour le savon Cadum, baies pour la choucroute et le gin),
– les platanes, allée majestueuse qui conduit au Château,
– et les pistachiers, cultivés en Provence jusqu’au siècle dernier. Aujourd’hui, la culture des pistachiers est relancée et, dans le massif de la Sainte Victoire, un verger de cinquante « magnifiques » arbres de plus de 20 ans produisent aujourd’hui de belles pistaches. - Au numéro 1447, Château Noir (propriété privée) : souvent peint par Cezanne, on peut l’admirer depuis La Route ou depuis le petit oratoire à proximité. Dès 1887, Cezanne loue à Château Noir, deux petites pièces qui donnent sur la cour, son dépôt de bagage (Paul Cezanne le temps d’un Abécédaire, Chabert (Jacky), Editions Desbaumes, mars 2021) selon son expression, dans laquelle il entrepose son matériel et les œuvres qu’il est en train de peindre dans les sous-bois qui entourent la propriété. Entre 1887 et 1905, il peint 19 huiles et 20 aquarelles autour de Château Noir.
Dès le début de la guerre de 1939-1945, le Tholonet a vu arriver de nombreux réfugiés juifs qui fuient les arrestations (dont Jacqueline de Romilly). Château Noir était à cette époque une petite colonie allemande, depuis que Léo Marchutz était arrivé chez les propriétaires, Monsieur et Madame Tessier, en 1931. Au cours de l’hiver 1942 plusieurs familles du Tholonet offrirent à des réfugiés un asile transitoire. Sur le point d’être arrêtée, une famille se réfugia dans la colline de Château Noir, se terrant dans les grottes qui jadis servirent de refuge aux aixois qui fuyaient le choléra. - Au kilomètre 1776, un petit pas de côté sur le charmant chemin piéton dit des Artauds à Château Noir qui plonge vers Les Artauds, reliant les quartiers entre eux. Le Tholonet, mémoire vive 1870 à nos jours, Mairie du Tholonet / Association Route Cezanne du Tholonet, 2016. Au loin la cheminée de Gardanne s’élève à 298 m. Sur le côté opposé Sainte Victoire avec sa crête décorative, semble poser pour la photo. Les lignes et la masse s’épousent en une parfaite harmonie. Leo Marchutz s’installait là pour peindre dans le proche tournant.
Le hameau des Artauds. Au 19e siècle, les Artauds est le hameau le plus important du Tholonet alors que, au village, il n’y a que le château et quelques bastides dispersées. Les constructions de la mairie en 1850 et de l’école en 1874 furent insuffisantes pour créer une agglomération centrale. La plupart des terres au Tholonet appartenant aux propriétaires du château, il était très difficile de construire des habitations à proximité de celui-ci.
En 1886, Émile Zola situe l’action de son roman La faute de l’abbé Mouret (cinquième volume de la série Les Rougon-Macquart), au hameau des Artaud (sans « s » chez Zola). Cezanne croit se reconnaître dans le personnage de Claude Lantier, un génie, mais aussi un artiste raté, incapable de créer et qui en vient à se suicider. Il se brouille avec Zola. Cette thèse de la brouille est battue en brèche par la découverte récente d’une lettre de 1887. - Au numéro 1942, Les Cigales (propriété privée) : en 1953, le peintre André Masson fait construire un nouvel atelier qu’il baptise « les Cigales » dont il achète le terrain au propriétaire voisin, Monsieur Antonin Favre. Dans cette propriété, André Masson a reçu Jacques Lacan, Sylvia Bataille, André Malraux, Georges Duby...
En descendant la Carraire des Artauds, on peut apercevoir l’atelier du peintre, dessiné par Pouillon. En belle pierre de Rognes avec une verrière à l’est et une verrière au nord pour laisser entrer la lumière, mais pas le soleil. (Propriété privée)Acteur majeur du 20e siècle, André Masson a été influencé à la fois par le cubisme et le symbolisme. Il se définissait lui-même comme un vagabond du surréalisme. André Masson fut également attiré par le théâtre et la danse, c’est à lui que le Festival d’Aix-en-Provence fera appel pour réaliser les décors et les costumes de l’opéra Iphigénie en Tauride de Gluck, présenté en 1952. Ces costumes et décors font régulièrement l’objet d’expositions. Notons pour la petite histoire que les deux fils Masson ont épousé les deux filles Pouillon, qu’André Masson a reçu chez lui en 1948 Winston Churchill, visiteur régulier des sites cezanniens et des bords de l’Arc et que c’est Fernand Pouillon qui a conçu son atelier.
- La carraire des Artauds : à l’époque de la transhumance les carraires désignaient des chemins de grande largeur empruntés par les troupeaux de moutons pour se rendre dans les alpages. Si les plus grandes, souvent d’anciennes voies romaines étaient assorties d’un droit de passage, les petites carraires locales comme celle-ci étaient libres de tout droit.
- Au numéro 2161, le domaine Saint-Joseph (propriété privée), anciennement Domaine de la Cascade, acquis et aménagé par Arnoul Marin, seigneur de la Châtaigneraie, Premier président du Parlement de Provence de 1674 à 1690.
En 1825, le domaine est mis en vente aux enchères publiques. Il est acquis en 1828 par les Jésuites. Grâce à une souscription, ils construisirent une chapelle. En bas de la propriété fut érigé un ensemble appelé « le Porche » qui abritait les chambres pour les résidents, que l’on peut apercevoir en s’engageant de quelques mètres sur le chemin privé. Illustration de Paul Belmondo. En 1905, suite à la loi de séparation de l’église et de l’État et la dissolution de la Congrégation, la Campagne Saint-Joseph est vendue aux enchères en 1908 pour une mise à prix de 5 500 Frs. Amie d’André et Rose Masson, Mathilde Pomès a séjourné en 1951 au Domaine Saint-Joseph (Propriété à l’époque de Charles Pomaret, historien, journaliste et ancien ministre) pendant une convalescence. Saisie par la beauté des lieux et du paysage, et de retour à Paris, elle a composé un adieu personnel pour ce qu’elle appelle « les petites fabriques » de ce cher Saint-Joseph du Tholonet, illustrées par son vieil ami Paul Belmondo. Saint Joseph du Tholonet, Pomes (Mathilde), Editions Moullot, Marseille, 1951. En vente au format ePub
Si l’on se permet quelques pas sur ce chemin, on verra au loin la chapelle qui semble plantée dans la forêt. A partir de 1960, elle est devenue l’atelier du peintre François Aubrun. Deux de ses tableaux sont exposés au musée Granet. Son voisin de terroir et ami était Georges Duby.
- Au bord de La Route, peu après l’entrée, à gauche, sur la propriété, se dresse l’oratoire Notre-Dame, mis en valeur par le Grand Site Sainte-Victoire en 2006.
Cezanne : la Colline des Pauvres près du Château Noir,
avec vue sur Saint-Joseph, 1888-1890…la colline des pauvres tire son nom de ce qu’aux époques de pestes, les populations misérables se réfugiaient dans les grottes creusées dans les carrières de molasse exploitées à peu de distance du Tholonet (Lettres du lundi, Numa COSTE, Le Sémaphore de Marseille – 20 octobre 1900). - Au numéro 2250, la Campagne Saint-Estève (anciennement Maison de repos post cure) aujourd’hui Hôtel des Lodges (propriété privée). En face le panneau illustré de François Gilly.
- Le chemin de la Paroisse conduit à l’incontournable excursion vers le barrage Zola. Son nom évoque sa fréquentation du temps où les villageois l’empruntaient pour assister à l’office au château. L’église Sainte-Croix a été édifiée en 1780 par les Gallifet, pour éviter la promiscuité et toutes allées et venues sur leurs terres. D’après le bulletin n°74 de l’ARPA.
« Un grand pas de côté », les barrages. En 1475 un premier barrage est construit pour ravitailler le domaine de Jarente en eau, sous l’autorité de Jean de Jarente, propriétaire du château du Tholonet. La vanne de ce barrage est aujourd’hui exposée sur la pelouse du château. En 1837, la ville d’Aix-en-Provence cherchait une solution pour la réalisation d’un projet d’approvisionnement en eau. L’épidémie de choléra de 1834 qui avait ravagé Marseille et la Haute-Provence avait fortement marqué l’esprit des populations. L’alimentation en eau potable, de qualité et en quantité suffisantes était une des conditions pour qu’un pareil fléau ne se propageât pas à nouveau. Aix ne disposait alors que de ressources éparses qui ne fournissaient que dix litres par jour et par habitant. L’épidémie frappera de nouveau Aix-en-Provence en 1837. La municipalité décide de s’attaquer au problème de l’alimentation en eau potable de la ville. Un appel à projet est lancé par le conseil municipal d’Aix, le 25 février 1837.
Lors du Conseil Municipal d’Aix du 3 octobre 1838, le maire informa l’assemblée que François Zola, ingénieur d’origine italienne lui proposait la construction d’un barrage sur la rivière La Cause pour fournir 5 m3 par seconde qui seraient acheminés par un canal de 7 km. L’agrément définitif ne fut donné qu’en 1844.
Il faudra seize ans et une féroce bataille juridique entre Zola et Gallifet, propriétaire du château du Tholonet qui avait utilisé antérieurement les eaux à son profit, pour que le projet du barrage devienne réalité.
Cartographie du canal Zola – ww.randomania.fr
- Le château du Tholonet : Alexandre de Galliffet avait acquis le domaine en 1637, de la famille d’Albertas qui, elle-même, le tenait, depuis la fin du siècle précédent, des Jarente.
Résidence d’été à la campagne, restaurée pour recevoir et distraire, devenant ainsi le rendez-vous de la noblesse aixoise et de l’aristocratie provençale, le château était également un centre agricole important exploité en métayage. Céréales, fourrages, pommes de terre, vin, arbres fruitiers, oliviers, amandiers faisaient du Tholonet une terre riche et productive. Une meunerie employait six ouvriers et produisait cent quintaux par jour de farine. Le moulin à huile du château transformait sur place les récoltes d’olives. Le château fut racheté en 1959 par la Société du Canal de Provence. Cette bastide de Provence est devenue un Centre dédié à l’eau. La SCP a restauré sept fontaines anciennes dont une qu’elle a installée dans le hall d’entrée du château.
- Sous la passerelle piétonne, coule la Cause.
Au bout du parking de la place du Ferrageon, descendre quelques marches. Au fil de l’eau qui traverse le village, on évoquera les lavandières, les bugadières et les grandes lessives qui, autrefois, animaient les bords de la rivière « détergente » : ces femmes lavaient le linge de la bourgeoisie aixoise. Chacune avait sa place attitrée devant une pierre plate et rugueuse, inclinée vers la rivière. Elles s’installaient dans leur « garde genoux » qui les protégeaient des éclaboussures. Cette industrie du blanchissage était le seul moyen d’existence d’une soixantaine de famille de la commune.Un pas de côté dans le temps : l’ensemble des opérations de la bugade s’étalait sur une grande partie de la semaine. Le mardi, les hommes faisaient le tri, distinguant le blanc et la couleur, le degré de salissure et la finesse des pièces à laver. Ensuite venait le trempage, le coulage de la lessive et l’ébullition du linge mêlé à la cendre. Le mercredi, le linge était sorti de la cuve et les lavandières descendaient à la rivière. Le linge était alors trempé, battu, et rebattu, lavé au savon de Marseille bien entendu et rincé. Le reste de la semaine, le linge était étendu dans les prés et séchait en plein air. Selon la pluie et le beau temps, il fallait aussi dépendre et rependre. On terminait par le pliage, et la mise en sac dans de la toile cousue, le linge n’était pas repassé. Le lundi, on attelait les ânes aux charrettes pour aller livrer les bourgeois d’Aix qui payaient la note.
Dans la soirée du 15 octobre 1906, alors qu’il se trouve en pleine campagne, sur la route qui mène au Tholonet, Cezanne essuie un violent orage, […]. Il perd connaissance. Heureusement c’est lundi, une charrette de blanchisseurs conduite par deux hommes, passe par là […]. Ils le hissent sur les ballots de linge, le ramènent rue Boulegon et l’accompagnent jusqu’à son lit. Il mourra une semaine plus tard des suites d’une pleurésie, non sans avoir essayé de reprendre les pinceaux, contre l’avis de son mèdecin, pour terminer une toile. Michel Bernascolle.
- Le restaurant Berne, actuel Relais Cezanne : aux beaux jours, Cezanne se rend régulièrement au Tholonet où il a l’habitude de prendre son déjeuner chez Rosa Berne, qui tenait une épicerie et qui servait à table. Entre deux plats, il écrit régulièrement à ses amis Joachim Gasquet et Émile Solari.
C’est à ce dernier qu’il écrit le 8 septembre 1897 : Votre père viendra manger un canard avec moi dimanche prochain. Il sera aux olives (le canard, bien entendu). Ce plat, préparé par Rosa Berne, était le mets préféré de Cezanne. - La stèle « A Paul Cezanne » : à la sortie du village, elle fut érigée en 1939, pour le centenaire de sa naissance, à l’initiative des Amis de Paul Cezanne, animés par Marcel Provence. Elle constitue le premier signe de reconnaissance locale de Cezanne et préfigure ce que deviendra la Route Cezanne vingt ans plus tard.
- Le Moulin : à la sortie du village, sur une éminence exposée à tous les courants d’air, se dresse un moulin à vent datant probablement du XVIIe siècle. Sur le cadastre de 1828, ce moulin appartient à Louis François de Gallifet, et il est noté « en ruine ». Sur la carte postale de la fin du 19e siècle (coll. Jaussaud, Aix), il a perdu ses ailes.
Restauré en 1984 par les Compagnons du Devoir de Marseille qui ont refait la charpente en lattes de sa toiture conique, il a été baptisé « Moulin de Cezanne » par la mairie, en hommage au peintre.
Aujourd’hui, ses murs restaurés abritent des expositions de peinture et de sculpture d’artistes régionaux, expositions qui attirent de nombreux visiteurs. - Le cimetière : adossé à la colline, comporte un nouveau quartier, celui des « estrangers » qui avaient choisi de vivre dans les paysages de Cezanne : André Masson, Georges Duby, Léo Marchutz et sa femme Barbara,… Comme dans tous les cimetières, on peut faire connaissance avec les patronymes des natifs du village.
©Texte (Août 2020-août 2021) sous licence creative commons. Attribution (En suivant la route Cezanne, Etoile137, Aix) + Pas d’Utilisation Commerciale (BY NC) : le titulaire des droits autorise l’exploitation de l’œuvre, ainsi que la création d’œuvres dérivées, à condition qu’il ne s’agisse pas d’une utilisation commerciale (les utilisations commerciales restant soumises à son autorisation).
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Merci à Bruno Ely qui a orienté mes recherches sur la colline des Pauvres.
Merci à François Gilly pour l’autorisation de reproduction de son œuvre.
Merci à Antony Marchutz et merci à Alexis Masson pour leur autorisation de mettre en ligne les photos des ateliers de leur père et grand-père.
Merci à Michel Aberlen pour ses précieuses précisions sur quelques points de la route et pour avoir attiré mon attention sur l’importance de la stèle érigée en 1939 à l’initiative de Marcel Provence.
Merci à nicoulina pour son aide précieuse dans les recherches et surtout sur le terrain, sans qui cet article n’aurait pas vu le jour.
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Bonjour,
La photo 12 de 29 est mal légendée. Il s’agit toujours de l’atelier Masson, dont les menuiseries extérieures à l’origine en bois étaient beaucoup plus fines, presque jusque au sol, avec de belles proportions.
Cordialement.
[ndlr] merci d’avoir pris le temps de nous signaler cette erreur
Magnifique itinéraire commenté, merci ! On y croise beaucoup de monde, dont l’architecte Pouillon dont je connais bien le hameau de La Seyne sur mer aux Sablettes.