Certains randonneurs préparent leurs sorties à l’aide d’un logiciel de cartographie et d’un gps. D’autres préfèrent continuer à utiliser une carte « papier ». Quelle que soit la méthode adoptée, l’utilisateur est parfois confronté à une terminologie locale dont le sens lui échappe le privant ainsi d’une importante information. Je vous propose une série d’articles qui vous expliqueront le sens de certains toponymes que vous avez souvent l’occasion de rencontrer au cours de vos balades.
Blache désigne en provençal un lieu planté de chênes pubescents appelés aussi chênes blancs. En Haute-Provence, on trouve La Blache, Les Blaches, La Blachère (de blatchò). Plus au sud, dans le nord du Var, on trouve La Blaque, les Blaques, la Blaquière (de blaco ou blacas pour désigner le chêne blanc). On a aussi : Les Blaquets, La Blaquette, Les Blaquiers, etc
Voilà un terme bien étrange ! Il ne s’agit pas d’un produit destiné à lier ensemble deux éléments mais tout simplement d’une colline ! Ainsi, si vous tombez un jour sur l’expression « la colline de la Colle » vous aurez le droit de sourire en pensant à cette « colline de la colline » !
Certains pensent que le mot provençal « colle » signifie « col » en français. Il n’en est rien car en provençal un col se dit « pas ». Ce terme a donné son nom à un hameau de Saint-Victoret : Le Pas des Lanciers.
Dérivé du mot colle, on trouve aussi parfois le mot couelle : La Vieille Couelle au sud de Peyrolles. Les termes collet ou coulet désignent une petite colline.
Au singulier ou au pluriel, ces mots entrent tout naturellement dans la formation de noms de lieux-dits : La Colle Saint-Michel, le Pas de la Colle, Le Collet de Roux, Les Coulets, Les Collets Rouges, etc
On donne parfois à un relief un nom en fonction de sa ressemblance avec une forme animale. Ainsi, le mourre, en provençal désigne le museau, le groin. Cela donne, par exemple, Le Mourre de Chanier (voir photo), Le Gros Mourre, Le Mourre d’Agnis.
Au nord de Forcalquier se trouve un site géologique exceptionnel fait de gros rochers semblant sortir de terre tels des champignons pour les uns, ressemblant à de gros museaux pour les autres : ce sont les rochers des Mourres.
Le mot serre désigne une crête montagneuse, une colline allongée, un mamelon. En provençal, le mot exprime une nuance selon qu’il est masculin (crête allongée) ou féminin (crête dentelée). Sa francisation en a fait un mot de genre féminin. Il a la même origine que sierra en espagnol.
Dans la toponymie, on trouve le plus souvent ce mot au masculin : Le Serre du Montdenier (voir photo), Le Grand Serre, etc. Il a donné son nom à la commune de Serres et à la station de Serre Chevalier.
Complété par nicoulina le 23 juillet 2021.
Le vallat est « un torrent en creux alimenté par les eaux pluviales » autrement dit un ruisseau intermittent soumis au rythme des pluies méditerranéennes lesquelles sont brèves mais violentes et produisent une grande quantité d’eau ce qui provoque un ruissellement important : Le Vallat, Le Grand Vallat, La Tour du Vallat, etc
Je recommande la lecture de :
Petit dictionnaire des Lieux-dits en Provence, Philippe Blanchet, Edition Librairie Contemporaine. 2003
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… pourquoi l’appellation « CHANIER » pour le mourre de Chanier ? …
est-il visible depuis Port-Frejus ? …
[ndlr] Selon le dictionnaire du Félibrige, Cha signifie cap en provençal alpin et nièr signifie nègre : ce serait le cap Noir mais en vivaro-alpin occidental chanin, canin vient du chien ; ce serait donc le museau du chien.
Le mot serre désigne une crête montagneuse.
FAUX : dans la vallée de la Guisane et le Briançonnais, il désigne de préférence des mamelons (Serre-Paix, Serre-Orel, Serre Barbinq, Serre-Ratier, etc. sans parler du côté italien). La forme générale ressemble à une taupinière
Il a donné leur nom à deux communes : Serres et Serre Chevalier.
FAUX : Serre-Chevalier n’est pas une commune, c’est le nom du plus bas sommet des crètes de la Guisane.
[ndlr] mail perso ; paragraphe modifié
Je cherche la signification de » siou » dans le toponyme plateau du siuo blanc qui se trouve au nord de Toulon. Merci
Pierre BELDA
[ndlr] voir l’explication dans cet article https://www.randomania.fr/siou-blanc-les-aiguilles-de-valbelle/
Bonjour à tous,
A titre personnel , je fais des recherches (modestes !) sur la toponymie du Comtat Venaissin.
Il a y , à l’Est de la commune de Bédoin (84), un lieu-dit « Les Fougassets » et aucune boulangerie dans les environs !
Le Dictionnaire « Trésor dou Félibrige » (1878) , page 1155 ,donne, dans sa définition de « Fougasso » un sens qui pourrait expliciter ce toponyme assez curieux vu son emplacement loin de toute boulangerie : « Faire de fougasso : labourer superficiellement, cultiver imparfaitement ». Il est précisé qu’il s’agit d’une expression du Diois. Bédoin n’est qu’à une cinquantaine de kilomètres de Die.
Je donnerais bien à ce toponyme cette signification. Auparavant ,j’aimerais avoir l’avis des spécialistes quant à mon interprétation .
Merci de vos réponses
J’habite le Broc 06, un lieu dit La Fougassiere. Lequel désigne l’endroit où se cuisent les fougasses. En effet, à proximité du mas, se trouve un antique four à pain, encore en usage.
Bonjour à tous,
Il est difficile de se procurer le « Petit dictionnaire des Lieux-dits en Provence, Philippe Blanchet, Edition Librairie Contemporaine. 2003 » à un prix abordable. L’un d’entre vous aurait-il un renseignement concernant cet ouvrage ?
Y aurait-il un autre livre sur le sujet : La toponymie provençale.
Merci de votre écoute
Merci pour ces explications. Je cherchais ce que signifiait Blaquière, un lieu à côté du quel j’ai grandi sans savoir ce qu’il cachait et voici que je découvre d’autres mots et significations ! Super intéressant!
Merci beaucoup de partager cela avec nous, c’est vraiment très enrichissant !
A propos du mystérieux « pas des lanciers » dans la région aixoise … voici ce qu’on m’en a dit et quime semble fort convaincant :
Sur les cartes an 25000e on voit des noms de lieux qui sont restés en provençal,
avec plus ou moins d’exactitude dans la « graphie », mais enfin en prononçant à voix haute
on arrive à reconnaître les mots.
Dans le cas ci-dessus, on dit que lors de la mise en français des cartes de cette région on a dû demander à des habitants comment s’appelait cet endroit et on suppose que la réponse ORALE a été : « lou pas de l’anci » à savoir « le pas de l’anxiété, de la peur … » (la particule « de », se prononçant « dé » en provençal). Alors, de là à transcrire à l’oreille en français « le pas des »lanciers » … il n’y avait qu’un pas … et il fut franchi ! On pense à cette explication très plausible car rien ne venait corroborer l’existence de lanciers dans la région.
Cordialement.
Carline 04
autre possibilité ancié de ancise passage étroit…..
pas de lanciers ; lanciers en fait l’ancié = anxiété en provençal car les gens se faisaient agressé au pas de l’ancié……
L’anxié [ancié] désigne moins anecdotiquement un resserrement dans le paysage ou le corps. L’angoisse ie l’anxiété resserre la gorge. Pas des lanciers est un lieu où la route s’engage entre 2 falaises , gorges si vous voulez…
[ndlr] Charles Rostaing s’appuyant également sur le dictionnaire du félibrige de Mistral, a étudié ce toponyme en détail. https://www.persee.fr/doc/onoma_0755-7752_1994_num_23_1_1194
En comparant avec d’autres lieux portant le même nom, d’autres variantes de la langue provençale, il n’a retenu que le sens de brèche.
La base de données de l’IGN concernant la toponymie est incomplète et contient de nombreuses erreurs et contresens que l’institution n’accepte pas toujours de réparer malgré les demandes réitérées des érudits locaux. Je recommande donc en premier lieu la lecture d’un auteur provençalophone tel que Philippe Blanchet.
L’IGN a également édité au format pdf un livre de toponymie http://www.ign.fr/adminV3/display/000/526/725/5267257.pdf