La poudre noire, appelée aussi poudre à canon, est un mélange de salpêtre (ou nitrate de potassium, du latin salpetrae « sel de pierre »), de soufre et de charbon de bois.
On attribue généralement son invention aux Chinois qui la nommaient huoyao, ce signifie « drogue à feu » ou « médicament à feu » car le soufre et le salpêtre appartenaient à la pharmacopée chinoise et étaient utilisés comme remèdes sous la dynastie Han. La poudre elle-même était considérée comme un traitement efficace contre la gale, les rhumatismes, les maladies infectieuses et parasitaires.
Elle intéressait aussi les alchimistes chinois qui cherchaient à produire « l’élixir de vie ». Au IXe siècle, sous la dynastie Tang, Sun Simiao, un célèbre médecin chinois, explique, dans un ouvrage intitulé Danjing nei fu liuhang fa (Classique de la poudre analysant le procédé du salpêtre), que, si l’on mélange du soufre et du carbone au salpêtre, on obtient une combustion violente si on y met le feu.
Dans un autre ouvrage daté de 1044, intitulé Zhen yuan miao dao yaolu (La Route importante, voie vers les merveilleuse principales vérités), il est conseillé d’éviter ce mélange qui risque de produire une explosion.
A la même époque, le Wujing Zongyao, (Principes généraux du Classique de la guerre) de Zeng Gongliang donne une méthode de fabrication de grenades à poudre dont l’utilisation consiste essentiellement à produire du bruit. C’est la première arme explosive mentionnée dans l’histoire.
Vers 1130, des tubes de bambou remplis de poudre noire sont les ancêtres de nos « lance-flammes ». Par la suite, on a l’idée d’y introduire des flèches afin de les propulser à l’aide de l’explosion produite par la poudre. Un pas de plus est franchi vers la fabrication de véritables « armes à feu ».
Au XIIIe siècle, toujours en Chine, apparaissent les grenades à corps de fonte. Les premières pièces d’artillerie métalliques chinoises seraient apparues au XIVe siècle et auraient été en bronze. Vers la fin de ce siècle, apparaissent les premières fusées.
Les techniques de fabrication de la poudre auraient été transmises au monde arabo-perse entre le VIIIe siècle et le IXe siècle. En 1240, un ouvrage arabe de formules médicinales mentionne la poudre noire. Le salpêtre est alors appelé « neige de Chine ». En 1280, al-Hasan al-Rammah décrit l’usage de la poudre noire dans un livre traitant de la cavalerie et des stratagèmes militaires.
Au XIIIe siècle, la poudre noire arrive en Europe par l’intermédiaire des Arabes. Vers 1230, un certain Marcus Graecus fait paraître un livre rédigé en latin intitulé : Liber ignium ad comburendos hostes (Livre des feux pour brûler les ennemis). Dans ce livre, il décrit, pour la première fois en Occident, le procédé de préparation de la poudre noire et indique les précautions à prendre pour éviter un accident. Il donne également une méthode de purification du salpêtre et préconise de préparer le charbon de bois à partir de tilleul ou de saule.
En 1257, Roger Bacon, un moine franciscain anglais, décrit la préparation de la poudre noire dans un ouvrage intitulé De Secretis Operibus Artis et Naturæ et de Nullitate magiæ.
Un manuscrit du XIIIe siècle attribué à Albert le Grand, célèbre alchimiste, intitulé De mirabilibus mondi (Les merveilles du monde) décrit également la préparation de la poudre noire.
La tradition et l’imagerie populaire attribuent néanmoins l’invention de la poudre à un moine franciscain allemand qui vécut à Fribourg au XIVe siècle : Berthold Schwartz (1318-1384). Il est à noter que son vrai nom était Berthold von Lützelstetten et que le mot schwartz signifie noir en allemand, ce qui montre l’aspect symbolique de cette tradition.
La première mention de l’utilisation de la poudre noire dans une arme à feu (toujours en Occident) se trouve dans un manuscrit anglais de 1326 intitulé De Notabilitatibus, Sapientia et Prudentia Regum, écrit par Walter de Milemete, chapelain du roi Édouard II d’Angleterre, « à l’intention et pour l’éducation du futur roi Édouard III ». Vingt ans plus tard, la poudre noire sera utilisée à titre expérimental pour la première fois sur un champ de bataille, à Crécy, mais on sait que c’est la supériorité des archers anglais qui provoquèrent une cuisante défaite à la chevalerie française.
Au XVe siècle, apparaissent les premiers canons à poudre européens. Au milieu du XVIe siècle, la formule de la poudre est donnée dans deux ouvrages : la Pirotechnia de Vanoccio Biringuccio et le De re metallica de Georg Bauer, dit Agricola.
Abou-Yousouf, sultan du Maroc, aurait été le premier acteur de l’histoire occidentale à utiliser une véritable pièce d’artillerie utilisant les effets de la poudre noire lors du siège de Sijilmassa en 1274. Ce canon était un simple tube de bois garni de poudre, appelé madfoa, qui lançait une grosse flèche.
En Europe, on voit apparaître les premiers canons lors du siège de Metz et de celui de La Réole en 1324. En 1342, les Arabes en utilisent pour défendre la ville d’Algésiras assiégée par les troupes d’Alphonse XI lors de la Reconquista. Ces canons lancent maintenant de véritables boulets en fer.
En 1346, c’est la fameuse bataille de Crécy au cours de laquelle les Anglais expérimentent pour la première fois l’utilisation d’une artillerie à poudre sur un champ de bataille, en rase campagne et non plus lors d’un siège.
La poudre noire s’illustre également par une série d’explosions accidentelles qui se produisent au cours de sa fabrication ou lors de son stockage. Le premier accident important a lieu à Lubeck, en 1360. Dès le XIVe siècle, tout convoi de poudre devait être précédé d’un drapeau noir invitant les populations à s’éloigner.
La poudre noire est un produit explosif, ce qui signifie que sa combustion produit beaucoup de chaleur en libérant une grande quantité de gaz. Pour produire un tel effet, elle doit contenir à la fois un produit combustible et un produit comburant. Les produits combustibles sont le soufre et le carbone contenu dans le charbon de bois. Le comburant est le salpêtre qui libère de l’oxygène au cours de la réaction.
Lorsqu’elle brûle à l’air libre, la poudre noire « déflagre », ce qui signifie que l’onde de combustion (front de flamme) se déplace moins vite que les gaz générés, il n’y a donc pas d’onde de choc. Si la combustion a lieu dans un endroit confiné, la pression des gaz augmente et la poudre « détonne » produisant une onde de choc et un effet de souffle important selon le volume de gaz produit.
La température de la réaction est assez élevée (plus de 2000 K) mais reste inférieure à celle obtenue avec des explosifs modernes (TNT, dynamite, poudres pyroxylées). Dans les fusées de feux d’artifice, on ajoute des composés chimiques ou des corps simples (particules métalliques, oxydes) en fonction de la couleur de la flamme que l’on souhaite obtenir
Au début de son histoire, la fabrication de la poudre noire n’était pas une opération simple. Les produits de base contenaient de nombreuses impuretés et les mélanges étaient effectués dans des proportions arbitraires, dans l’état naturel des produits, grossièrement pilés et brassés à la main. On obtenait alors une poudre aux effets parfois imprévisibles et dont la combustion lente ne lui permettait pas de constituer un véritable produit explosif utilisable à des fins militaires de façon efficace.
Les Arabes furent les premiers à apporter à la poudre noire une amélioration importante en utilisant des produits purifiés notamment le salpêtre auquel ils appliquaient un traitement à base de cendres de bois. La transformation du salpêtre naturel en nitrate de potassium à peu près pur représente une amélioration considérable de la poudre noire qui, de poudre « lente » devient une poudre « vive » à la combustion plus rapide constituant un véritable produit explosif déflagrant pouvant propulser des projectiles à grande vitesse dans un tube principe de base de toute arme à feu. Cela valut aux Arabes, pendant un temps, de posséder une avance technique et militaire certaine sur leurs adversaires.
Au XIVe et au XVe siècle, en Occident, la composition de la poudre était de 6 parties de salpêtre pour une partie de soufre et une partie de charbon de bois. Par la suite, on mit au point des compositions variables selon l’usage auquel la poudre était destinée.
usage | salpêtre | charbon | soufre |
poudre de mine | 40% | 30% | 30% |
poudre de chasse | 78% | 12% | 10% |
poudre de guerre | 75% | 12,5% | 12,5% |
feux d’artifice | 75% | 15% | 10% |
C’est le charbon utilisé pour sa fabrication qui fait la qualité de la poudre. Pour cela, on utilise du bois de peuplier, d’aulne ou de tilleul. Par distillation à 3 500 °C, on obtient du charbon noir (poudre de guerre). La distillation à 300 °C donne du charbon roux (poudre de chasse).
Par mesure de précaution, on broyait séparément le mélange de soufre et de charbon jusqu’à obtention d’une poudre homogène. Le salpêtre n’était introduit qu’à la fin de cette première opération et son mixage s’effectuait en présence d’eau par mesure de sécurité.
Ces opérations étaient réalisées à l’aide de pilons mis en mouvement par des roues hydrauliques. De là, le terme de ‘‘moulin à poudre’’ employé pour désigner les lieux où l’on fabriquait la poudre à canon.
Jusqu’au XVIIe siècle, malgré les soins apportés à sa fabrication, la poudre noire n’était jamais totalement homogène. Cela nuisait beaucoup à ses performances et notamment à celle de produire une combustion « vive » c’est à dire rapide. Au début du XVIIIe siècle, les chimistes eurent l’idée de produire une poudre sous forme de grains. La combustion ne se faisait plus seulement dans la masse de la poudre mais, du fait de la granulation, elle se faisait également dans les interstices. Elle se propageait donc avec plus de rapidité et de régularité. La taille des grains variait en fonction de l’usage prévu : plus les grains étaient petits, plus la combustion était rapide. Ce conditionnement permettait également de mieux conserver la poudre.
Au XVIIe siècle, en France, la production de poudre était assurée par la « Régie royale des poudres et salpêtres » exerçant un droit exclusif pour le compte du roi. Devant les besoins de plus en plus importants en poudre dus aux nombreuses guerres entreprises par Louis XIV, il fallut rénover les anciens lieux de production ou en construire de nouveaux comme :
La poudrerie de Saint-Jean d’Angély en 1656 (Charente-Maritime)
La poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles en 1660 (Gironde)
La poudrerie d’Esquerdes en 1686 (Pas-de-Calais)
La poudrerie de Pont de Buis en 1688 (Finistère)
La poudrerie de Saint-Chamas en 1690 (Bouches-du-Rhône)
Depuis cette époque, la production de poudres en France est restée sous le contrôle et la tutelle de l’état assurée aujourd’hui par la SNPE (Société Nationale des Poudres et Explosifs).
En 1775, Antoine-Laurent de Lavoisier assure la direction de la « Régie royale des poudres et salpêtres ». Il améliore la production de la poudre par la création d’une nouvelle méthode de production du salpêtre à partir de la potasse d’Alsace.
La présence du salpêtre donne à la poudre noire un goût salé. Au XVIIIe siècle, les soldats s’en servaient pour assaisonner leurs aliments lorsque le sel venait à manquer. Le salpêtre est encore utilisé de nos jours comme conservateur alimentaire
La poudre noire est facile à fabriquer, peu onéreuse, stable et une faible quantité d’énergie suffit pour provoquer une combustion : une flamme, un impact, une friction, une étincelle.
Mais elle n’est pas sans présenter aussi des défauts :
Sa manipulation est dangereuse en raison de sa forte inflammabilité.
Elle est très sensible à l’humidité ce qui diminue ses capacités et rend son stockage difficile.
Elle produit beaucoup de fumée gênant la visée lors de tirs répétés surtout en l’absence de vent.
Elle produit d’abondants résidus solides (sulfure de potassium) qui encrassent les armes. C’est l’une des raisons pour lesquelles une arme à feu ancienne présente un fort calibre : cela augmente la tolérance à l’encrassement et réduit la fréquence des nettoyages.
Aussi, au XIXe siècle, les chercheurs tentent de mettre au point une nouvelle poudre ne présentant pas ces défauts. En 1846, le chimiste allemand Christian Schönbein découvre la nitrocellulose. Le coton étant souvent utilisé pour sa fabrication, on l’appelle aussi coton-poudre ou fulmicoton. A l’état sec, c’est un produit explosif qui possède un effet « brisant » important qui provoque l’éclatement de l’arme s’il est utilisé tel quel.
En 1884, Paul Vieille, ingénieur principal au Laboratoire Central des Poudres et Salpêtres à Paris, met au point un procédé de gélatinisation de la nitrocellulose à l’aide d’un mélange d’éther et d’alcool. Cela permet d’obtenir une poudre sans effet brisant avec un régime de déflagration déterminé permettant son utilisation dans les armes à feu.
Cette poudre est connue aussi sous le nom de poudre B ou poudre sans fumée. Comme son nom l’indique, elle ne produit pas de fumée. Elle a aussi l’avantage de ne pas être sensible à l’humidité, de laisser très peu de résidus de combustion et d’être trois fois plus puissante, à poids égal, que la poudre noire.
Toutes les poudres sans fumée modernes sont dérivées des poudres inventées par Paul Vieille, modifiées par Alfred Nobel (à partir de la nitroglycérine). Plusieurs salles du Musée technique des poudres d’armement de la Poudrerie nationale de Sevran-Livry sont consacrées aux travaux de Paul Vieille.
Le broyage : les trois produits de base sont d’abord broyés et réduits en une poudre très fine.
Le mélange : ils sont ensuite mélangés dans de gros cylindres métalliques placés en position horizontale et tournant sur un axe, appelés « tonnes ». Dans ces cylindres, le mélange est assuré par des billes de bronze de un centimètre de diamètre appelées « boulets » (le bronze permet d’éviter la production d’étincelle).
La trituration : le mélange est ensuite soumis à l’action d’une meule qui transforme la poudre en galettes solides.
Le tamisage (granulométrie) : les galettes sont envoyées dans des « grenoirs », cylindres contenant des billes de bois appelées « gobilles ». Celles-ci broient les galettes et les grains obtenus tombent dans un triple tamis :
- Le 1er tamis, surcalibré, retient les éléments les plus gros qui retournent aux grenoirs.
- Le 2e tamis est calibré pour retenir les grains ayant la taille désirée.
- Le 3e tamis, sous-calibré, retient les grains trop fins qui sont expédiés vers une presse hydraulique pour former de nouvelles galettes.
Le lissage : il est destiné à polir les arêtes anguleuses des grains. Il se fait dans des cylindres en bois qui ne contiennent ni « boulets » ni « gobilles ».
Le tamisage : les grains sont à nouveau tamisés.
Le séchage : toutes ces opérations se faisant en milieu humide, les grains sont maintenant séchés à l’aide d’un courant d’air chaud.
Le mélange final : pour obtenir un produit parfaitement homogène, on mélange entre elles les différentes fabrications d’une même poudre.
L’empaquetage : il s’effectue à la main pour éviter tout incident (échauffement, étincelle). Par mesure de sécurité, la manutention entre les différents postes s’effectue à l’aide de wagonnets de bois.
D’après Jean Decamme de la SNPE (Société Nationale des Poudres et Explosifs)
Les différentes sortes de poudres
Aujourd’hui, la poudre noire n’est plus utilisée que dans un but ludique ou sportif. Elle a donné naissance à une activité appelée : tir à la poudre noire ou tir à l’arme ancienne. Elle a de nombreux amateurs et fait l’objet de compétitions. Celles-ci utilisent des armes d’origine ou des répliques d’armes anciennes représentant les divers systèmes de mise à feu historiques (mèche, silex, percussion). Les épreuves se déroulent sur treize coups, les dix meilleurs étant pris en compte pour établir le score final.
Le nom des épreuves évoque soit celui de personnes liées à l’invention ou à la fabrication des armes, soit celui de batailles ou sites significatifs de l’histoire des armes. (par exemple : Nagashino rappelle le nom d’une bataille au cours de laquelle furent utilisés pour la première fois des mousquets à mèche par les Japonais).
Mais la poudre noire n’est pas un jouet et son utilisation est très règlementée. Pour les particuliers, elle est vendue exclusivement en armurerie. La quantité autorisée à la vente est limitée et on ne doit pas posséder plus de deux kilos de poudre chez soi.
Sites consultés pour la rédaction de cet article :
Plusieurs articles de Wikipedia dont le plus important Poudre à canon
Ils ont inventé la poudre de B. Bourdoncle sur le site La chimie du temps qui passe, site dédié à l’histoire de la chimie
La poudre noire de la SNPE de Jean Decamme
La société de tir de la Miotte
Bibliographie :
Tous ces titres sont consultables sur internet
Les quatre grandes découvertes de la Chine antique de Zhuang Wei
La civilisation des Arabes de Gustave Le Bon
De la poudre à canon et de son introduction en France de Léon Lacabane sur le site Persée
Armes et combats dans l’univers médiéval, Volume 1, de Claude Gaier
Autres sites :
L’histoire de la poudre noire sur un site anglais : Gunpowder: a circular journey (la poudre noire : un voyage circulaire)
Le tir à la poudre noire (site personnel d’un amateur de tir à la poudre noire)
Arquebusiers picards (un site pour les amateurs de tir à l’arme ancienne)
Forum sur les armes anciennes et le tir à la poudre noire
©copyright randomania.fr
Bonjour
Mon Papa,,,me disait que l’odeur dégagée par la combustion de la poudre contenues dans les douilles de chasse éloignait les corbeaux !!. Qu’en pensez-vous.
Merci
J DAVID