Admirable lettre de désarroi envoyée par Antoine De Saint-EXUPERY à SILVIA HAMILTON-REINHARDT ; le courrier ne comporte pas de date mais les faits qu’il rapporte sont datables : New York (mars ou Avril 1943)
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Revenons au contenu de la lettre envoyée par Antoine à Sylvia dans de terribles moments… la fin de leur idylle est proche :
Sylvia
il s’est passé avant-hier quelque chose d’affreux. Ma femme s’est fait attaquer dans la rue en rentrant chez elle. Pour lui voler son sac on l’a assom[m]ée d’un coup sur la tête. Je l’ai retrouvée très malade et depuis quarante huit heures je n’ai pas bougé d’auprès de son lit. Ce ne sera sans doute pas très grave. Cependant je meurs d’inquiétude. Je ne puis ni dormir ni manger. Je me déchire au-delà de toute mesure. Je n’en puis plus. Je vais te dire Sylvia quelque chose qui te fera mal […] :
J’ai compris que si ma femme avait été tuée je n’aurais plus pu vivre. J’ai compris la profondeur de ma tendresse pour elle. Vois-tu Sylvia on se connaît mal. Les petits froissements de la vie quotidienne, les disputes sans importance, les rancunes de surface empêchent de lire clairement en soi les sentiments forts. Mais ce matin, t’écrivant de ma chambre tandis que dans la pièce voisine celle qui a beaucoup de torts mais qui est ma femme lutte contre le mal, de son faible souffle dans l’obscurité, je me sens tout à coup prodigieusement responsable d’elle comme un capitaine de navire. […]
Peut-être me haïras-tu de te dire ça. Ce sera bien injuste. Je t’ai toujours dit honnêtement la vie de mon cœur, de mon esprit, de ma chair. Tu as tout su et tout compris, toujours. […] Sur ma vie je te jure que je n’ai pas triché, jamais. Je ne t’ai jamais menti, Sylvia. J’ai éprouvé pour toi une tendresse immense. Plus certaine que tu ne l’as cru. Sans doute n’était-ce pas l’amour. Mais ça n’enlevait rien de sa force. Ce qui causait mes absences, mes silences, mes tensions, mes disparitions, tout ce que tu m’as toujours si fort reproché, ç’a été que la force des choses faisaient entrer cette tendresse, ce désir aussi que j’avais de toi, en litige avec mon devoir de capitaine de mon navire. […]
Sylvia mon petit si je n’ose pas téléphoner c’est par panique. J’aurais tant besoin de ton aide, de ta compréhension, de ton amitié et j’ai peur d’entendre de toi des paroles qui augmenteront mon désarroi.
Provenance : Silvia Hamilton-Reinhardt, vente à Paris, le 20 mai 1976, n° 52 ; resté depuis dans la même collection.
Note : Silvia Hamilton-Reinhardt (Antoine préférait écrire son prénom avec un Y) fut interviewée par la revue ICARE en 1978… cela fait l’objet d’un autre article : confidences les traces d’un flash légendaire.
Si l’ensemble du courrier envoyé par Antoine à Sylvia fut un instant dévoilé car dispersé volontairement en 1976 (puis 2017), il n’en fut pas de même pour l’ensemble du courrier envoyé par Antoine à son autre maîtresse et bienfaitrice, cette dernière était mariée et honorablement connue, pour dire autrement elle était publiquement connue et honorablement mariée (pseudo : Pierre CHEVRIER utilisé pour le premier livre bibliographique édité en 1949 sur Saint-Ex).
La BNF – bibliothèque nationale de France – est dépositaire de ces précieuses archives et ne pourra les rendre publiques qu’en 2053 selon les volontés de la défunte = 50 ans après la mort de Nelly de VOGUE.
L’ensemble d’un autre important courrier amoureux sera dévoilé à ce terme… patience !
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