Une montagne, deux sommets
Le Cousson est la montagne préférée des Dignois. D’après Jacques Teyssier, Cousson viendrait du latin cossonus (coussoun en provençal) qui signifie « écuelle de bois dont les bergers se servaient pour traire le lait et pour boire. » Cette étymologie est fort probable car les pentes du Cousson sont depuis la nuit des temps un lieu de pâturage.
Le Cousson a la particularité de posséder deux sommets : le sommet nord qui culmine à 1516 mètres, appelé Podium Regalé dans un document de 749, et le sommet sud, 1511 mètres d’altitude, qu’on appelle parfois le sommet signal depuis que l’Institut Géographique National (IGN) y a installé une borne géodésique. Entre les deux sommets, on trouve à l’ouest l’Ubac des Estourons et à l’est le vallon de Richelme riche en sources.
La flore et la faune du Cousson
A la fin du XIXe siècle, le Cousson était pratiquement nu et déboisé du fait d’un essartage excessif et du surpâturage. Le reboisement a été fait dans le cadre de la loi de 1860 sur le reboisement des montagnes remplacée en 1882 par la loi sur la Restauration des Terrains de Montagne. Sur les pentes nord, on trouve aujourd’hui la forêt de Gaubert formée de chênes laissant la place à des hêtres à partir de 1000 mètres. On y trouve aussi des pins noirs d’Autriche et des pins sylvestres. A partir de 1400 mètres, c’est le domaine du mélèze. Au sud, les pentes sont couvertes de landes de genêts ou de buis. Les anciens champs des Hautes Baties et du vallon de Richelme ont été reboisés avec des merisiers et des noyers. Un magnifique séquoia s’élève près de la maison forestière.
A la base du Cousson, sur les versants nord, les derniers oliviers marquent la limite de l’étage méditerranéen. Vers 1400 mètres, les mélèzes marquent l’étage subalpin. Entre les deux, les hêtres, aujourd’hui replantés, sont représentatifs de la forêt originelle. Sur les versants sud, l’exploitation agricole et le surpâturage ont fait disparaître les forêts de chênes originelles. Il ne subsiste plus que des landes à genêts sur les calcaires marneux et des landes à buis sur les calcaires à silex. (d’après Georges Bellon)
Parmi les arbustes, citons : le genêt cendré, le buis l’amélanchier, l’érable, le noisetier, le sorbier des oiseleurs, le genévrier, le cade, la coronille, le baguenaudier. Parmi les espèces florales : la lavande, le thym, la sarriette.
La flore alpine est représentée par le raiponce, la globulaire, l’androsace, la petite gentiane, les épervières, les circes, l’aster acre, le tussilage des Alpes, le séneçon doronic, le géranium luisant, l’astragale, le myosotis, la campanule à feuilles rondes, la germandrée des montagnes, les poligales, les primevères, le rosier pimprenelle, les saxifrages, les joubarbes, les oeillets, les scabieuses.
La faune aviaire comprend la corneille, le coq de bruyère et la perdrix grise. Les mammifères sont représentés par les sangliers et les chamois que l’on peut apercevoir de façon épisodique.
La géologie du Cousson
Le massif du Cousson fait partie des chaînes subalpines de Haute-Provence. Il se situe sur le front du chevauchement de Digne appelé aussi nappe de Digne. Il est constitué principalement de calcaires marneux surmontés d’un calcaire à silex. Celui-ci, très résistant à l’érosion, forme des falaises bien visibles sur les crêtes. Des marnes et des argiles aux couleurs variées marquent la base du massif avec des affleurements de gypse, de cargneules et de calcaire dolomitique. C’est le prolongement de la plâtrière de Chamourcin. Cet ensemble repose sur des grès, des argiles et des conglomérats à Chabasse, Gaubert et Châteauredon.
Alors que la série du Cousson provient de sédiments déposés dans des mers entre -220 et -180 millions d’années (du Trias au Jurassique inférieur), bien avant la surrection des Alpes, la série Gaubert-Châteauredon est beaucoup plus récente (-20 à -30 millions d’années). Elle provient de l’érosion des chaînes alpines en voie de formation dont les sédiments se sont accumulés dans une fosse externe : la fosse de Valensole.
Au cours des plissements dus à la surrection des Alpes, des plis se sont rompus puis se sont décollés du socle au niveau des gypses et des argiles du Trias. Ils ont glissé les uns sur les autres jusqu’à venir chevaucher la bordure de la fosse. Ce chevauchement est estimé à une dizaine de kilomètres de long.
Les marnes et les argiles du Trias, niveau imperméable au milieu des calcaires, retiennent les eaux d’infiltration et les restituent sous forme de sources. Ces eaux ont parfois dissous du gypse et du calcaire qu’elles déposent à l’air libre sous forme de tufs (vallon de Richelme, vallon de Saint-Jean).
Lorsque l’eau circule à de grandes profondeurs, sa pression et sa température augmentent (un degré par trente mètres). Elle « percole » alors à travers les roches et peut dissoudre des sels minéraux insolubles à basse température. Cela se produit principalement au niveau des gypses, argiles et dolomies du Trias. Ces eaux remontent à la surface par des failles et des diaclases affectant les calcaires : c’est l’origine des eaux thermales de Digne.
d’après Georges Bellon Survol géologique du Cousson cité par Jacques Teyssier.
Pour en savoir plus : Géologie du Cousson sur le site Géo-Alp
Le belvédère du Cousson
Le sommet du Cousson offre une vue à 360° sur les montagnes entourant la ville de Digne et au-delà. Il constitue un des meilleurs belvédères pour embrasser d’un seul regard l’ensemble du département. Sept départements limitrophes ont leur reliefs visibles depuis le Cousson. La liste de ces sommets serait trop longue à énumérer Parmi les plus proches, ou les plus visibles, citons :
A l’ouest, le massif du Luberon, la montagne de Lure et le Mont Ventoux. Les montagnes de la Drôme et du Dévoluy (Pic de Bure). Au nord, le Champsaur, le Valgaudemar, l’Oisans, les Ecrins, le Pelvoux. Les montagnes de Seynes avec la chaîne de la Blanche, la Barre de Galabre, les Barres Traversières dominées par la tête de l’Estrop, point culminant des Alpes du sud.
Après l’Estrop, et plus à l’est, le sommet des Trois-Evéchés, le Mourre-Gros, la montagne de Vachière, la montagne de Lachen, le Cheval Blanc et les montagnes d’Allos.
Plus près, on peut admirer le Pic de Couard et le Cucuyon qui dominent la magnifique Barre des Dourbes longue de dix-sept kilomètres. D’autres sommets encore puis, plus au sud, voici les Cadières de Brandis, le Mourre de Chanier, le Chiran, le Montdenier d’où part le plateau de Valensole. Au pied de la chapelle, on aperçoit la Clue de Chabrières, la vallée de l’Asse et la montagne de Beynes.
Enfin, plein sud, ce sont les sommets culminants des Bouches-du-Rhône : la chaîne de l’Etoile, le massif de la Sainte-Baume, la Sainte-Victoire, les Monts Auréliens.
Des hommes ont vécu au Cousson
Le Cousson a été, très tôt, habité par l’homme. Un site archéologique remontant à l’âge du fer à été découvert à Entrages. Dans le vallon de Richelme, à 1350 mètres d’altitude, un four de potier et un habitat ont été mis au jour témoignant d’une présence humaine à l’époque gallo-romaine. Au XIème siècle, le pays d’Entrages comprenant les pentes et le sommet du Cousson, appartenait à la puissante abbaye de Saint-Victor de Marseille suite à la dotation faite en 1035 par un certain Almérad qui avait fondé un ermitage au sommet du Cousson. Au XIIIe siècle le fief dépend du comté de Provence. A partir de 1309, il est morcelé entre deux nombreux coseigneurs.
Plus près de nous, les pentes du vallon de Richelme ont été mises en culture par des familles installées au hameau des Hautes Bâties dont il ne reste, aujourd’hui, que des ruines. Plusieurs fermes ruinées parsèment le flanc de la montagne comme la ferme Villevieille. Ces familles vivaient de l’exploitation agricole mais aussi de la cueillette et de la distillerie de la lavande dont le droit était donné chaque année par adjudication par les Eaux et Forêts. Enfin, les pentes du Cousson ont toujours été des lieux de pâturage. Des bergers y ont donc vécu épisodiquement au gré des transhumances.
Le pèlerinage à la chapelle de Saint-Michel du Cousson
Pierre Gassendi (1592-1655), célèbre savant et humaniste, né à Champtercier, près de Digne, mentionne déjà ce pèlerinage comme traditionnel on a l’habitude de partir en procession avant le jour quand on va à la montagne du Cousson, si ce n’est le jour même de la fête de l’apparition de l’archange, du moins à celle de Pentecôte
(Il se serait rendu un soir au sommet du Cousson pour y observer le lendemain matin une éclipse de soleil.)
Une monographie du Docteur Honnorat parue dans les Annales des Basses-Alpes en 1839 décrit le déroulement du pèlerinage à la chapelle de Saint-Michel du Cousson à cette époque. Le pèlerinage avait lieu deux fois par an, le Lundi de Pentecôte et le jour de la Saint-Pierre (29 juin). Il se déroulait comme une procession avec chants, bannières, clochettes et enfants de chœur. Ce pèlerinage était suivi par une foule nombreuse venue de tous les villages voisins. On montait en famille, emportant boissons et victuailles sur des ânes. Parfois, un enfant malade était du voyage dans l’espoir que Saint-Michel hâte sa guérison. Certains faisaient ce pèlerinage chaque année, on les appelait des Coussonniers.
Traditionnellement, les départs avaient lieu depuis les quartiers de Chabasse et des Chauchets à Digne. Les pèlerins partaient très tôt le matin et se rassemblaient une première fois à la maison forestière avant d’entamer la deuxième partie de l’ascension. Ils se regroupaient au sommet vers neuf heures pour assister à la messe qui avait lieu devant la chapelle, celle-ci étant trop petite pour accueillir la foule des pèlerins.
La fête religieuse terminée, on redescendait aux Hautes Bâties ou à la maison forestière où l’on s’adonnait à des plaisirs profanes avec festins, jeux et bals. A partir de 1930, avec l’ouverture du casino de l’établissement thermal, certains pèlerins finissaient la fête dans la salle de bal de l’établissement après une descente par le vallon de Richelme.
A près la Seconde Guerre Mondiale, le pèlerinage a vu sa fréquentation baisser sensiblement jusqu’aux années soixante où l’on a assisté à une reprise. Aujourd’hui, ce sont deux cents personnes qui se rendent chaque année au sommet du Cousson le lundi de Pentecôte mais peu de pèlerins choisissent les chemins traditionnels. La plupart des Coussonniers d’aujourd’hui préférent la montée par Entrages beaucoup plus courte.
Des moines d’hier aux randonneurs d’aujourd’hui
Le Cousson a répondu au besoin de solitude des moines, il a suscité la vie laborieuse des paysans, il a accueilli les bergers et leurs troupeaux, il a fait l’objet d’un important pèlerinage. Aujourd’hui, il ne reçoit plus que la visite des VTTistes, des parapentistes et des randonneurs attirés par ses belles forêts et ses pentes fleuries au printemps, intrigués aussi par sa petite chapelle suspendue au-dessus du vide et séduits par les vastes perspectives qu’offrent ses sommets.
Ouvrages consultés pour la rédaction de cet article :
Les Montagnes de Digne, Jacques Teyssier, Les Editions de Haute-Provence, 1993.
Entrages, un village adossé au Cousson, Jeanine Cazères, Chroniques de Haute-Provence, n° 335, 1998.
Carte archéologique de la Gaule, Alpes de Haute-Provence, Géraldine Bérard, Fondation Maison des Sciences de l’Homme, Paris, 1997.
Bibliographie :
Flore alpine
Connaître la flore des Alpes, Thierry Ménard, Editions Sud Ouest, 2003
La flore des Alpes de Haute-Provence, Christian Boucher, Edisud / Adri, 1998
Géologie / Géographie
A travers la Réserve Géologique de Haute-Provence, Collectif, Adri / Réserve Géologique, 2000
Les campagnes de l’ancienne Haute-Provence vues par les géographes du passé (1880-1950), André de Réparaz, Les Alpes de Lumière, 2000
Randonnées
Le pays dignois par les chemins, Collectif, Adri / Comité du pays dignois, 2005
Sites internet :
Pays de Digne
Flore alpine
Montagne et nature
Géologie (GéoAlp)
Aperçu d’ensemble sur la géologie des chaînons entre Gap et Digne
Les chaînons subalpins à l’est de la Durance, de Gap à Digne
Structure géologique des alentours de l’agglomération de Digne
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