Saint-Michel, la chapelle au bord du précipice

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Un lieu de méditation

Les randonneurs qui gravissent le sommet du Cousson ne manquent jamais de se rendre à la chapelle Saint-Michel qui se trouve sur le flanc sud de la montagne, au bord de la falaise, à 1480 mètres d’altitude, au-dessus de la Clue de Chabrières et de la vallée de l’Asse qui coule 850 mètres plus bas.

La chapelle actuelle a été construite en 1894 et restaurée en 1983. Elle fait partie des dix chapelles rurales qui entourent la ville de Digne. La découverte, en contrebas de la chapelle, de tombes de l’époque médiévale laisse penser qu’autrefois un édifice plus ancien devait se trouver au même emplacement.

Du fait de son isolement et de la rudesse de la vie en ces lieux, le Cousson a inspiré très tôt des vocations érémitiques. Au XIe siècle, un certain Almérad, prêtre de son état et grand propriétaire terrien dans le pays d’Entrages, fonde un ermitage au sommet du Cousson dont l’église, sacrée par Bernard, l’évêque de Digne, est placée sous le vocable de Saint-Michel Archange. Cette église, qualifiée de cella dans le cartulaire de Saint-Victor, est suffisamment vaste pour contenir cinq autels dédiés à la Vierge, à Saint-Michel, à Saint-Victor, à Saint-Pierre-aux-Liens et à Saint-Benoît. Cet ermitage dépendait du prieuré de Suyès situé sur les pentes sud du Cousson sur la commune actuelle de Châteauredon.

cella : partie d’un temple romain où se trouvaient la statue et l’autel dédiés à la divinité à laquelle était consacré le temple. Seuls les prêtres avaient accès à ce local qui restait fermé et inaccessible au public (du latin celare, cacher, fermer)

En 1035, Almérad fait don à l’abbaye Saint-Victor de Marseille de terres et de divers biens qu’il possède dans le pays. En font partie l’église de Saint-Michel Archange ainsi que le prieuré de Suyès. Une bulle papale de 1113 confirme la possession de ces biens par l’abbaye.

Conformément aux termes de la dotation, l’abbé Isnard de Saint-Victor s’engage à entretenir la vie monastique au sommet du Cousson. Mais, devant la rudesse des conditions de vie, les moines préfèreront bientôt le prieuré de Suyès . La chapelle Saint-Michel est totalement abandonnée au début du XIIIe siècle et les bâtiments ne sont rapidement plus que ruines.

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Lagremuse, le village qui ne voulait pas mourir

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Du village à la commune

Lagremuse est aujourd’hui un village fantôme dont les derniers pans de murs s’accrochent désespérément à l’éperon rocheux qui le vit naître. Qu’en restera-t-il dans quelques décennies ? Combien de temps encore luttera-t-il dans ce combat perdu d’avance contre le temps et les intempéries avant de redevenir un désert minéral de pierres ?

Cette ténacité des éléments n’a d’égale que celle de ses anciens habitants qui luttèrent pour conserver au village son statut de commune. Combat perdu d’avance aussi mais qui a duré près d’un siècle !

La commune de Lagremuse est née le 19 mars 1790 à 10 heures du matin et fusionna avec celle du Chaffaut le 12 décembre 1887. Entre ces deux dates, que de péripéties, que de luttes pour conserver le plus longtemps possible le statut tant convoité de commune pour ce qu’il représente de prestige, d’autorité et d’autonomie pour une communauté villageoise si petite soit-elle !

En 1790, dans l’euphorie que suscita la création des communes au sein des nouveaux cantons et districts suite à la création des départements, nombre de petits villages, voire de simples hameaux, firent valoir leur droit de se voir érigés au rang de communes. Le pouvoir, si modeste soit-il, que conférait ce statut suffisait pour pousser des villageois à tenir tête à l’administration pour exiger leur dû. C’est ainsi que cela se passa pour Lagremuse comme pour bien d’autres villages du département.

Sur les 260 communes que compta le département des Basses-Alpes au cours de son histoire, il n’en reste plus que 200 aujourd’hui.

Le premier maire de Lagremuse se nommait Etienne Aubert. Il fut élu avec onze voix. Joseph Meynier fut élu officier municipal avec quatre voix ainsi que Dominique Manent avec trois voix. Laurent Bodoly, avec neuf voix, fut nommé procureur de la commune. On élit également six notables ce qui porta le nombre d’élus à dix pour administrer une commune de moins de 100 habitants (74 au recensement de 1793) et qui ne comptait que dix-sept « citoyens actifs » (donc votants).

citoyen actif : français majeur de 25 ans, domicilié depuis un an dans le canton et payant des contributions directes valant trois journées de travail.

Une volonté de réforme

Devant cette pléthore de communes minuscules, l’assemblée administrative du département décide de mettre en place une réforme visant à regrouper les communes entre elles en réunissant les communes les plus petites (celles qui comptent moins de 50 citoyens actifs) aux communes plus importantes les plus proches (arrêté du 12 décembre 1790).

Plus de deux siècles plus tard, cette réforme ne semble toujours pas achevée puisque la commune d’Archail ne compte, aujourd’hui, que sept habitants !

Trente-huit communes du département sont concernées par cet arrêté. Lagremuse en fait partie. Mais, ces municipalités condamnées à disparaître font de la résistance. D’abord, en ne répondant pas à la demande de l’arrêté de choisir avec quelle commune elles désirent se réunir. Ensuite, en ne donnant pas suite aux enquêtes faites préalablement à cette réunion.

Devant ce manque d’empressement des municipalités à se mettre en accord avec la loi, le préfet envoie, le 22 décembre 1790, à chaque commune, une lettre de mise en demeure. Comme bien d’autres, les représentants municipaux de Lagremuse restent sourds à ces injonctions et leur village continue sa vie de commune.

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L’aqueduc de Forcalquier

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Vous avez fait la balade Forcalquier, découverte de son aqueduc de plus de 500 ans. Randomania… vous en dit plus.

L’histoire de l’aqueduc

Comme partout en Provence, l’approvisionnement de Forcalquier en eau a toujours été le souci constant de ses édiles et une source d’inquiétude permanente pour ses habitants. Nous sommes à la fin du XVème siècle. La ville haute ne manque pas d’eau grâce à un curieux phénomène de capillarité. L’eau contenue dans la nappe phréatique remonte à travers les couches tendres de safre qui composent la colline. Au contact des dalles calcaires qui surmontent ces couches, l’eau cesse de remonter et ruisselle le long des roches compactes jusqu’à former une véritable source.

safre : en Provence, ce mot désigne une argile limoneuse durcie et agglutinée, qu’on retrouve en amas isolés dans les terrains occupés à diverses époques par le cours de la Durance.
(d’après le dictionnaire sensagent)

C’est à cette « source du rocher » que Forcalquier doit son nom, à cette Font Calquier citée dans les chartes comtales et les poèmes des troubadours occitans (d’après Jean-Yves Royer).

La ville basse, elle, ne profite pas de cette manne et ne dispose d’aucune source. Pour s’approvisionner en eau, les habitants doivent se rendre aux lavoirs publics qui se trouvent en dehors de la ville, l’un à la Bonne Fontaine, l’autre à la fontaine de la Louette.

Selon la tradition, en 1495, les moines Cordeliers (installés à Forcalquier depuis 1236) proposent au conseil communal un plan d’adduction d’eau qui alimenterait la ville basse au moyen de deux fontaines. Pour cela, il faut construire un aqueduc qui capterait l’eau provenant de trois sources situées dans le vallon des Arnauds pour l’amener jusqu’au cœur de la ville.

La fontaine Saint-Michel

La construction de cet aqueduc constitua pour l’époque un chantier considérable : on dut construire une galerie souterraine de trois kilomètres avec un château d’eau et des bassins de décantation, tailler des conduites de pierres, ouvrir une nouvelle rue, la rue Neuve, construire deux places avec, sur chacune d’elle, une fontaine : la fontaine Saint-Michel et la fontaine Saint-Pierre. Cela dut représenter aussi une dépense importante pour une ville qui ne devait compter guère plus de mille habitants.

Cyprien Bernard nous apprend que le prix-fait des aqueducs pour la fontaine Saint-Michel est donné à François Vélixandre, fontainier à la Tour d’Aigues et celui des aqueducs de la fontaine Saint-Pierre à Nicolas Blanchard peirier à Forcalquier. En outre, ce dernier est chargé de la construction des deux fontaines tandis que les travaux de sculpture sont confiés à Pierre Garcin. Toujours selon Cyprien Bernard, les blocs de pierre qui servirent à la construction des fontaines furent apportés des carrières de Fontienne et de Mane.

Les travaux s’achèvent le 22 juillet 1512. Ce jour-là, l’eau coule pour la première fois aux deux fontaines nouvellement construites. La statue de Saint-Michel terrassant le dragon n’est placée au sommet de la grande fontaine qu’en septembre.

Ensuite, toute la population de Forcalquier est conviée à une procession générale pour inaugurer les deux places, les deux fontaines et la rue Neuve.

« Toutes les cloches, en branle, annoncèrent cette heureuse nouvelle, le Conseil de ville fit battre les tambours, souffler les flûteurs, et sonner la grosse trompette, on entendait par les rues que cris de joie, et de nombreux groupes d’habitants se livrent à la gaieté, en chantant et en farandolant par la ville. […] On tira les couleuvrines sur le plateau de la citadelle et des feux de joie furent allumés dans les principaux quartiers du pays. »

Nous apprenons également que : « La placette Saint-Pierre devint le lieu où se réunissait le guet et où siégeait la justice municipale. Les jugements se rendaient toujours en plein air, le magistrat assis sur un banc de pierre. »

Par la suite, on utilisa l’aqueduc pendant au moins deux cent cinquante ans avant son abandon définitif pour des raisons que nous ignorons. On sait par un prix-fait, concernant des travaux de réfection, qu’il était encore en service en 1730.

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