Les aqueducs romains d’Aix-en-Provence

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Aperçu général

C’est une idée reçue que l’eau était surabondante à l’époque romaine. M. Leveau en a eu la preuve par l’étude de l’aqueduc d’Arles ; de récentes études de géomorphologues d’Aix ont montré un bilan hydrologique déficitaire à Nîmes. A Aixaucune citerne n’a été construite, la surabondance de l’eau à l’époque romaine est une interprétation inexacte d’une réalité plus complexe : la multiplicité des aqueducs s’explique par le désir de disposer d’une eau assez abondante dans un contexte général de pénurie (selon Ph. Leveau). Les aqueducs ont été construits en plusieurs phases avec un souci permanent de la meilleure alimentation en eau : parce qu’abondance et permanence étaient indispensables, les romains ont parfois amené l’eau de très loin. S’il manquait d’eau, la branche alimentant les villae était coupée.  Certains domaines, comme celui de la Morée (à Meyreuil), possédaient même leur propre aqueduc.

Les aqueducs d’Aquae Sextiae

IMG_7593_trace_traconnade.JPGQuatre aqueducs alimentaient la ville d’Aix (voir carte Fernand Benoit dans l’alimentation en eau du pays d’Aix) : la Trévaresse (50l/s) par les Figons à Eguilles, la Traconnade (200l/s), Vauvenargues (50 à 100l l/s) dont l’origine est au Claps, et Saint-Antonin (50l/s) ; ils convergeraient vers Saint-Eutrope sans qu’il y ait de preuve.

Ils dateraient du IIè siècle, viennent alimenter les thermes de la ville, mais servent aussi à la consommation quotidienne des Aquenses et assurent la salubrité de la ville en assainissant le réseau des égoûts, sans oublier les demeures de notables de la ville, fortes consommatrices d’eau. Extrait de Histoire des eaux d’Aix-en-Provence, Wikipedia

Vestiges des ouvrages de la Traconnade

La source captée se trouve probablement aux Bouilladisses à Jouques ; un tunnel est encore accessible depuis la route.

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IMG_7460.JPGA Peyrolles :

– les galeries de la carrière Sainte-Anne  ;

– des piles de ponts, des morceaux de canal, des regards.

photo DD (webmaster 13770.org)Photo extraite du site Meyrargues informations

– Les arches de Meyrargues, classé monument historique.

– Le pont sur le Grand Vallat en bordure de l’A51.

– Au lieu dit Terrelongue, à l’extrémité du canal, on trouve le début de la galerie passant sous le plateau de Venelles. Deux mystères au sujet de cette entrée : sa côte moins élevée que celle à laquelle on pouvait s’attendre, sa direction qui, si on la prolongeait, arriverait à 3km du seul puits romain connu, celui du Four de Banes. La sortie serait à Saint-Eutrope au vallon des Pinchinats, au point marqué Galici sur la carte de Cassini. En 1838, Matheron aurait fait exécuter une tranchée au travers du vallon des Pinchinats et aurait rencontré une galerie d’eau à 6m de profondeur. profil_en_long_tunnel_VenellesLe puits du Four de Banes est déblayé : le cerveau de la voûte romaine est atteint après 50m de profondeur. Une décoction de campêche jetée dans le puits du Four de Banes aurait coloré en violet la source des Pinchinats quelques heures après.  Comment la décoction a-t-elle pu pénétrer à l’intérieur du canal si les chercheurs ont rencontré la face externe de la voûte ? Visité au début du XXè, il est rempli d’eau sans doute à cause de la pluie. Revisité en 1981, il était complètement à sec. Le tunnel de Venelles mesure environ 7-8km. Il a été creusé dans un matériau dur nécessitant peu d’explosif, et étanche s’opposant aux infiltrations. Il a été coupé par la construction de l’autoroute. Seules les parties supérieures des puits ont pu poser des problèmes.

photo empruntee au blog varando.unblog.frA l’époque où on envisage la construction d’un nouvel aqueduc au XIXè, Bazin présente un projet de canal passant sous le plateau de Venelles : un grand souterrain mais seulement 125km. Il est en concurrence avec le projet de Garella qui veut franchir l’Arc par un pont canal à Roquefavour : 163km et peu de souterrains. C’est le projet de Montricher qui sera retenu : vous pouvez admirer encore aujourd’hui l’aqueduc de Roquefavour.

– L’entrée d’un puits de 50m au lieu-dit Cabassols ; comme vous le verrez ci-dessous à Carhaix, la technique des puits permettait de construire un tunnel.

– Aux Platanes où un aqueduc a été découvert il y a deux ans mais dans une direction différente (voir l’opération d’archéologie préventive aux Platanes par la mairie d’Aix-en-Provence) : soit il s’agit d’une dérivation de la Traconnade, soit il s’agit d’un autre aqueduc romain ; un canal au pavillon de l’Enfant en mortier de tuileau.

– A la Chevalière, rien n’a été trouvé.

– Dans la commune d’Aix plusieurs aménagements hydrauliques ont été trouvés derrière  le parking Pasteur. Clerc pensait qu’il appartenait à l’aqueduc de la Traconnade, Benoit hésitait entre celui de la Traconnade ou de la Trévaresse. L’un deux a été réutilisé par un aqueduc moderne. Au fond de la Cour de la Trinité, une section d’aqueduc appartiendrait à celui de Vauvenargues.

Mais où est la sortie ? à Saint-Eutrope où un souterrain a été muré ou dans le vallon de la Torse à la source des Pinchinats « dans le talus bordant le domaine de La Générale » (Bouyala d’Arnaud dans son Evocation du Vieil Aix-en-Provence, Editions de Minuit, 1964) ?

La page en anglais du site ‘Roman aqueducts’ sur les aqueducs d’Aix-en-Provence (avec photos des différents vestiges)

Vestiges des ouvrages sur Sainte-Victoire

IMG_7584.JPG– A Saint-Antonin : pas de trace de captage ; Aurigon, ouvrage menacé, un long morceau aux Harmelins, pont de la Cause au Tholonet. Le célèbre pont-aqueduc romain (et non barrage romain comme on le voit écrit dans toutes les brochures touristiques).

Etudes
  • A partir des traces d’outils, on peut comprendre comment a été construit l’aqueduc. La facture d’un trou de crampon a permis d’identifier de façon certaine un bloc antique. A Carhaix, l’orientation des traces d’outils prouvent que des équipes différentes se raccordaient au niveau d’un puits. La première équipe partait horizontalement à partir de la sortie en se basant sur un jalonnement préalable ; la seconde équipe, après forage du premier puits, rejoignait la première équipe.  Le processus se reproduisait de puits en puits.
  • alimentation_en_eau_barbegal.jpgA partir de l’étude des dépôts carbonatés : séquences chronologiques, Bailhache évalue le débit d’un aqueduc et leur influence néfaste sur l’écoulement des eaux ; J.C. Gilly, grâce à l’analyse chimique des dépôts, se sert des concrétions comme indicateurs paléoclimatologiques et paléohydrologiques ; pour l’aqueduc d’Arles, cinq générations de dépôts ont été observés permettant de dater les différents tronçons. En utilisant la vitesse moyenne de concrétionnement de 2mm par an calculé sur l’aqueduc de Fréjus, on obtient une durée d’utilisation de 50 à 75 ans des aqueducs nord et sud qui convergent vers Arles, pour la première phase de dépôt. Durant la deuxième phase, la meunerie et le pont des moulins de Barbegal sont construits, les branches nord et sud sont séparées (60 ans de fonctionnement environ). Durant les troisième et quatrième phases, une partie des eaux alimentent Arles, une autre les moulins de Barbegal (inscription et connexion obligatoires pour récupérer le document). phase_5_fonctionnement_barbegal.jpgCinquième phase, curage des concrétions et toujours fonctionnement en divergence. Ces observations ont été confirmées par l’étude chimique des concrétions. Selon l’étude de Philippe Leveau

Les restes de concrétions de première génération retrouvés en plusieurs points […] prouvaient l’existence et le fonctionnement de l’ouvrage avant le début du 2è siècle après J.C. Extrait de Dépôts carbonatés et fonctionnement des aqueducs romains : Le bassin amont du vallon des Arcs sur l’aqueduc d’Arles (Bouches-du-Rhône)

  • A partir de la néotectonique

La néotectonique permet d’évaluer la probabilité de subir un séisme destructeur en recherchant dans le passé l’existence et la récurrence d’épisodes importants, notamment en recherchant dans les vestiges archéologiques ou les paysages les traces de séismes destructeurs.  Conjuguées à l’instrumentation qui collecte les données sur les séismes actuels, ces méthodes permettent d’évaluer le risque sismique. Le site du BRGM neopal.net rassemble les indices néotectoniques en France. La Fauchonne et l’Ermitage, à Puyricard sont des indices néotectoniques certains du séisme de Lambesc en 1909.

Par exemple, le concrétionnement des grottes est affecté par les mouvements tectoniques : un mouvement de faille cisaille les concrétions, un séisme les fait chuter. D’après Eric Gilli

Ce sont sur les aqueducs que les marques de séismes ont été récemment recherchés comme sur l’aqueduc de Chateau-Bas à Vernègues.

Conclusion

Quant à savoir où ces aqueducs aboutissaient précisément dans la ville d’Aix, les hypothèses restent entières. Un représentant de la mairie d’Aix a annoncé le jour de la conférence à Venelles qu’une étude du tracé de l’aqueduc de la Traconnade allait être lancée en collaboration avec l’université.

—> Je remercie Philippe Leveau d’avoir relu cette note et y avoir apporté quelques précisions.

Roman aqueducts, « this website on Roman aqueducts aims to show what marvellous work has been done by engineers and architects of the Roman empire ».

Bibliographie

Atlas topographique des villes de la Gaule Méridionale 1.-Aix, J. Guyon, Nuria Nin, Lucien Rivet, Sylvie Saunier, Ed. de l’association de la revue archéologique de Narbonnaise, 1998

Aperçu historique sur l’alimentation en eau de la ville d’Aix, Roger de Morant, Société aixoise d’études historiques, 1985

Le souterrain romain de Venelles, J.N. Plichon, Tunnels et ouvrages souterrains, 1999

Dépôts carbonatés et fonctionnement des aqueducs romains : le bassin amont du vallon des Arcs sur l’aqueduc d’Arles (Bouches-du-Rhône), aqueducs de la Gaule méditerranéenne, Jean Louis Gandon avec la collaboration de Philippe Leveau, CNRS Editions, Paris, 2005

Les aqueducs de la Gaule romaine et des régions voisines, Robert Bedon, Centre de recherches A. Piganiol. Section d’Archéologie et Civilisation des Régions Occidentales du Monde Romain

Recherches récentes sur les aqueducs romains de Gaule méditerranéenne, Philippe Leveau, Jean-Luc Fiches, Guilhem Fabre, CNRS, 2005

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Les aqueducs romains d’Aix et la gestion de l’eau dans la ville antique, Philippe Leveau, professeur émérite de l’Université de Provence, Conférence organisée par l’Association Venelles Environnement, Venelles, 17 mars 2011.
L’article de la Provence du 23/03/2011 mis en ligne sur le blog citoyen de Venelles

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5 réflexions au sujet de « Les aqueducs romains d’Aix-en-Provence »

  1. Je découvre seulement aujourd’hui votre très intéressante note de 2011 sur les aqueducs d’Aix.
    Je suis intéressé par le sujet au plan hydraulique et au plan historique. Si vous l’avez approfondi depuis, pouvez-vous m’indiquer des références, des liens… Merci.
    [réponse par mail]

  2. Bonjour,
    En surfant sur le web à la recherche d’informations complémentaires sur le Four des Banes situé aux Platanes, je lis un passage sur un puits déblayé à cet endroit. L’auteur de cet article paru en 2011, peut-il me contacter ou me laisser ses coordonnées afin de pouvoir échanger sur le sujet et m’aider à comprendre où se trouve ce puits ?

    1. Il existe un « puits » à cent mètres de chez vous profond de 50 mètres faisant partie de l’aqueduc de Traconnade que nous avons récemment exploré
      Si cela vous intéresse je demanderai au propriétaire l’autorisation de vous en dire plus
      Nous avons réalisé un film sur son exploration ,je vous le communiquerai éventuellement
      Pour information j’étais venu chez vous avec Monsieur Balalas examiner le four antique que vous avez restauré .
      JP GARRO

  3. Un canal romain passe sous la propriété « La Violaine » à Venelles, assez peu profond puisque mon fils a pu descendre dans le puits (2m environ). La galerie est identique aux descriptions par ailleurs.
    On la voit assez bien sur Google Earth aux coordonnées suivantes : 43°35’17.27″N 5°28’05.89″E.
    C’est le trait Nord-Sud à 15 m environ à l’est du chemin qui est au nord du « chateau ».
    Pouvez-vous faire suivre aux chercheurs qui pourraient être intéressés ?
    Je suis évidemment intéressé par les retours.
    Cordialement
    Maurice ARMAND
    [ndlr] les archéologues en sont informés : ce n’est pas un aqueduc romain. Merci pour l’information.

  4. Article très intéressant qui complète et illustre bien la conférence de M. LEVEAU. Je contacte M. ABEL pour avoir le diaporama présenté à Venelles.

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